ACTUALITE AUTOUR D'EMMANUEL BOVE ET AUTRES
Mes amis a été traduit en serbe! Voici un petit mot du traducteur. "Cher Monsieur Bitton, avec les meilleurs voeux en 2021, je vous informe que ma traduction de Mes amis a été prise dans la sélection finale pour le pour le prix de traduction littéraire le plus important en Serbie Miloš Đurić. Je suis en train de traduire Armand qui va paraître en été. Avec mes meilleures salutations. Bojan Savić Ostojić. Belgrade. "
Merci à David Nahmias qui a retrouvé ce formidable document, un entretien avec Bove consacré au sport, paru dans le quotidien L'auto du 15 novembre 1928.
« L’AUTO » du 15 novembre 1928
En 2019, nos amis suisses ont sélectionné le roman Mes amis dans la liste des 50 meilleurs livres de langue française de 1900 jusqu'à aujourd'hui. Mes amis se trouve en 49ème position entre Le Poisson-scorpion (1981) de Nicolas Bouvier et Texaco (1992) de Patrick Chamoiseau. La liste des romans et écrivains de ce palmarès littéraire est disponible sur le site du journal Le Temps. Champagne! Parution au Brésil d'une traduction de Paulo Serber du roman « Le Piège » (« A armadilha ») chez l'éditeur Mundaréu.
Très belle découverte de David Nahmias : Emmanuelle Bove et la Légion d'Honneur. Dans le périodique de Paris "Gavroche" du 3 juillet 1947.
L’Italie aime beaucoup Emmanuel Bove. Voici un très beau coffret avec trois traductions : la pièce de théâtre Diane (jamais publiée en France), Le Beau-fils, et un recueil de nouvelles. Magnifique travail éditorial des éditions dell'Assenza sises à Palerme.
Les éditions Dià sises à Berlin poursuivent leur travail de traduction des oeuvres de Bove en allemand. Si j'ai bien compris, il s'agit d'une édition numérique, mais il est possible de commander sur leur site une version papier de ces traductions, dont ma biographie de Bove. Certains livres sont en accès libre.
L'écrivain Olivier Maulin consacre une double page dans Valeurs Actuelles à notre ami Bove, à l'occasion de la réédition de La Coalition aux éditions de l'Arbre vengeur. Olivier Maulin a l'élégance de citer la biographie parue au Castor Astral en 1994. Magazine Valeurs Actuelles du 15 au 21 juin 2017.
EXPOSITION : "Qui était Emmanuel Bove?" Du 7 mai au 2 juillet 2017, la Bibliothèque universitaire de Darmstadt en Allemagne présente une exposition consacrée à Emmanuel Bove, initiée par Reinhard Pabst. En profitant entre autres du soutien précieux de Peter Handke, cette exposition présente de nombreux documents comme le le manuscrit de « la mort de Dinah » (Collection Reiner Speck, Cologne), mais aussi d'autres documents et informations sur Walter Benjamin, Klaus Mann et d’autres « boviens ». On y trouve également un bel envoi de Bove à Rilke et des contes inédits publiés dans Paris-Soir. Les photographies de l'exposition publiées ci-dessus sont de Thomas Laux qui a traduit plusieurs textes de Bove en allemand. Bove en folio! C'est une bonne nouvelle, au sens propre et figuré. Le texte Bécon-les-Bruyères est effectivement une longue nouvelle où Bove s'amuse à faire l'écrivain-voyageur. Un texte culte quiparaît chez Emile-Paul frères, dans la collection « Portraits de la France ». L’époque étant à la découverte, nombre d’éditeurs publiaient des récits de voyages. La collection « Portraits de la France » réunissait des textes sur les grandes villes ou les régions françaises pittoresques. La publicité clamait : « Les textes ont été demandés aux meilleurs écrivains de notre temps. » Ainsi, Paul Morand écrivit son Toulon-sur-Mer, André Maurois son Rouen et Jean Cassou un Bayonne. Emmanuel Bove avec son incongru Bécon-les-Bruyères,se détachait une fois de plus du littérairement correct. Certains se récrièrent : comment peut-on décrire Bécon-les-Bruyères après tant de glorieuses cités ! On cria au scandale, au mauvais goût, à la provocation. Bécon-les-Bruyères sera cependant épuisé quelques mois après sa parution. A propos du choix de Bove, le critique Charles Merki, dans la Revue de la quinzaine, écrira : « Il semble bien en effet qu’il y ait là une gageure, car l’endroit n’a aucun intérêt ni au point de vue historique, ni au point de vue pittoresque, si l’on s’en rapporte du moins au texte de l’auteur. C’est une localité quelconque des environs de Paris, où il y a des rues, des maisons, et c’est tout. Ecrire même une simple plaquette sur un sujet aussi insignifiant est un véritable tour de force et nous trouvons que M. Emmanuel Bove s’en est très agréablement tiré. » A l’automne 1926, fuyant les interviews et les dîners en ville, Bove franchit la porte de Champerret pour aller s’installer dans la banlieue voisine, qui lui inspirera l’un de ses plus beaux textes. Ce lieu qui n’existe que par le nom de sa gare est Bécon-les-Bruyères. Le temps d’un hiver et d’un printemps, l’écrivain habitera au 16 de la rue Madiraa, côté Courbevoie. Quand les frères Emile-Paul lui demandent un récit de voyage, Bove tout naturellement descend en bas de chez lui, pour aller à la rencontre de cet Ailleurs, de cet Autre, non pas dans la lointaine et exotique province, mais dans la rue d’à côté, tel un Albert Londres de la banlieue. On l’imagine, carnet de notes à la main, arpentant pendant plusieurs mois ce paradoxe urbain qu’est Bécon-les-Bruyères. Grand reporter géomètre, Bove établit là une extraordinaire topographie d’un lieu apparemment banal. Il relève les moindres détails, chronomètre ses déplacements – « La Seine est à six minutes de la gare de Bécon-les-Bruyères » – , questionne les objets avec l’attention d’un archéologue, une palissade devenant un artefact à travers lequel il lit l’existence passée. A l’instar de l’entomologiste qui soulève la pierre dans l’espoir de découvrir un univers grouillant, Bove tente de trouver un indice de vie à Bécon-les-Bruyères. En vain, les rues sont grises et désertes, poussière et boue recouvrent les trottoirs. La ville entière semble être tombée en léthargie, enlisée dans le quotidien, figée dans l’attente. Ses habitants apparaissent comme des silhouettes derrière des rideaux tirés, dont l’immobilité rappelle l’univers du peintre Edward Hopper. « Celui qui à un moment de déchéance, note l’écrivain, échouerait à Bécon-les-Bruyères se sentirait tombé si bas qu’il en partirait aussitôt. »Au contraire des romans précédents de Bove, il n’y a pas de personnages dans Bécon-les-Bruyères, sinon la ville elle-même. Tout le génie de l’auteur est contenu dans ce texte. Tel l’alchimiste, il transforme l’ordinaire en merveilleux, il nous dessille les yeux en nous montrant ce que nous ne savons plus voir : la féerie qui se cache derrière le quotidien. J’invite aujourd’hui le lecteur à refaire le voyage entre la gare Saint-Lazare et celle de Bécon-les-Bruyères, qui n’a pas disparu comme le supposait Bove à la fin de son récit. La distance entre les deux gares reste la même, il y a toujours un café plus fréquenté que l’autre, et preuve de l’immense talent d’observation de l’écrivain, lorsqu’on sort de la gare de Bécon-les-Bruyères, on a effectivement la sensation que le ciel penche vers Paris. Les éditeurs Emile-Paul, suite au succès de la collection « Portraits de la France » annonceront une nouvelle série intitulée « Ceintures du Monde ». Les volumes prévus étaient : le Lac Léman pour Edmond Jaloux, New York pour Paul Morand, et Monaco pour Emmanuel Bove. Cette série ne verra hélas jamais le jour. Dommage pour les lecteurs, il eût sûrement été intéressant d’observer le cheminement de l’écrivain de Bécon-les-Bruyères à Monaco… Pour le prix d'un billet de métro, une belle entrée dans l'univers bovien.
Les éditions de L'Arbre Vengeur poursuivent leur réédition des textes de Bove. Après Mes amis, La Coalition, le roman le plus abouti de Bove, le plus sombre
Le fait que l'oeuvre d'Emmanuel Bove soit récemment tombée dans le domaine public semble motiver les éditeurs et c'est tant mieux! En janvier 2016, les éditions Sillage publiaient Journal écrit en hiver, ce journal fictif de l'auteur sera son épithalame, à l'égal de celui de l'écrivain Jacques Chardonne, mais en plus pernicieux et cruel. Véritable prouesse littéraire, ce récit de diariste se présente comme l'étude in vitro d'un couple, le mari jouant à la fois le rôle d'initiateur et de cobaye. En juin 2016, les éditions Sillage poursuivent la réédition des oeuvres boviennes en publiant Coeurs et visages, paru en 1928. Ce récit quasi cinématographique est un long travelling à travers un banquet offert par André Poitou, un honnête bourgeois, fraîchement décoré de la Légion d'honneur. C'est l'occasion pour Bove de réaliser une hallucinante galerie de portraits tout en notant les sentiments qui agitent la centaine de convives du banquet. Le livre sera bien accueilli par la critique : "Monsieur Emmanuel Bove continue de faire des livres avec tout et avec rien. Son dernier ouvrage semble une gageure et un tour de force." (L'Echo de Paris du 8 novembre 1928) Autre bonne nouvelle : les éditions de L'Arbre vengeur ont procédé à une troisième réimpression de Mes amis qui un an après sa réédition s'est écoulé à 6 500 exemplaires! Notez aussi ce rendez-vous radiophonique bovien : le 2 décembre 2016 à 20H sur France Culture, dans le cadre du Samedi soir des fictions de France Culture, Stéphane Bonnefoi (le biographe de Marc Bernard) nous propose une adaptation du roman Le Piège. Les éditions Dia publient en allemand la version numérique de la biographie d'Emmanuel Bove. Depuis quelques années, les éditions Dia se sont attelées à une réédition des oeuvres de Bove en allemand. Ils ont même créé un site dédié à Bove où l'on peut consulter les livres déjà parus et ceux en cours. Certaines versions numériques sont en accès libre. Le 29 décembre 2015, sur France Culture (8h55) Bertrand de Saint-Vincent du Figaro a consacré sa chronique à Mes amis : http://www.franceculture.fr/emission-la-sequence-des-partenaires-la-sequence-des-partenaires-2015-12-29
L’édito Par Pierre Assouline N° 563/Janvier 2016 • Le Magazine littéraire - "Y a-t-il plus beau titre pour un roman que Mes amis ? N’essayez pas, c’est déjà pris, et bien pris. Il orne la couverture d’un livre inoubliable d’Emmanuel Bove, que le dernier carré de ses fidèles lecteurs s’échangent comme un mot de passe, longtemps après sa parution en 1924, encouragés par la récente et soignée réédition à l’initiative de L’Arbre vengeur, maison sise à Talence en Gironde. C’est un livre doux et mélancolique, pathétique sans misérabilisme, écrit dans une langue oubliée. Bove avait le génie de parler de soi sans parler de lui. On ne fait pas plus discret. Pas la moindre tentation de draper ses réflexions sur les choses de la vie pour en faire des vérités universelles. Un chapitre par ami. On dirait des nouvelles. Ils s’appellent Lucie Dunois, Henri Billard, Neveu le marinier, Monsieur Lacaze, Blanche. Des héros typiques d’une littérature arrondissementière qui promènent leur mélancolie d’une terrasse de café l’autre, leurs châteaux à eux. Vus par le narrateur, un certain Victor Bâton qui est le double de l’auteur, ils sont souvent réduits ą une émeute de détails, mais si aigus et précis, et même « touchants » selon Beckett qui l’admirait, quand c’est Bove qui tient la plume. Son don d’observation est à son meilleur dans leur évocation : un épicier si gras que son tablier est plus court devant que derrière ; un Bottin dont quelques pages dépassent la tranche imprimée ; un manteau sur lequel on souffle pour savoir si c’est de la loutre ; des lèvres qui, à force d’être séparées, n’ont plus l’air d’appartenir à la même bouche ; une femme pour la première fois dénudée dont son amant d’un soir remarque le vaccin sur le bras ; un inconnu qui marche en posant le talon avant la semelle. Et lui, le narrateur, qui sillonne la ville dans l’espoir qu’un événement bouleverse enfin sa vie, emprunte toujours les escaliers de service pour mieux respirer, pauvre et ne connaissant personne, sans savoir laquelle de ces deux misères lui pèse le plus. Sa langue est sobre ; dépouillée mais sans sécheresse, elle ne recherche pas l’effet ; c’est l’art de dire presque tout avec presque rien ; on dirait du français du monde d’avant et pas seulement en raison d’un emploi naturel et abondant de cet imparfait du subjonctif que nous ne lisons plus sans nostalgie. Humilité, insécurité, précarité, intranquillité : voilà dans quoi baigne l’atmosphère de cette galerie de portraits qui ne sont pas d’ancêtres. Avec la solitude pour leur faire cortège. La cruelle solitude, celle qu’on subit, et non la clémente, celle qu’on choisit. Dans une préface pleine d’empathie, Jean-Luc Bitton rappelle à quel point les maux de ses héros de la vie quotidienne, des personnages qu’il ne méprisait jamais, reflétaient les tourments d’Emmanuel Bove. Un absent, un inadapté, un à part. « Triste, mais jamais désespéré. » On le disait taciturne alors qu’il pensait juste à autre chose. C’est rare, un écrivain qui a du coeur. Mes amis est l’histoire de leur quête éperdue à travers la ville par un homme qui crève de ne pas en avoir. Juste pour leur confier ses peines. à défaut, nous en sommes les heureux destinataires. Parfois, on se croirait dans un album de Sempé. N’importe lequel et plus encore le nouveau, Sincères amitiés (lire aussi page 8). L’ambiance est plus gaie que chez Bove. Franchement souriante, mais tout aussi aiguë. C’est ce petit bonhomme, sa veste dans une main, une branche dans l’autre, qui toise le ciel du haut du talus sur lequel il est juché : « J’ai toujours pardonné à ceux qui m’ont offensé. Mais j’ai la liste. » La chose (l’amitié) est évoquée comme un pacte qui ne serait jamais énoncé, ce qui prête naturellement aux pires malentendus. Interrogé, le dessinateur peine à la définir autrement qu’en la dessinant. Ce serait deux petits garçons qui ne cesseraient de se raccompagner ą leur domicile sans se résigner à se quitter. Seulement voilą : ce dessin, il l’a juste rêvé. Impossible d’aller au-delà : « Je ne sais pas comment terminer. » Tant mieux, parce que, s’il savait, ce ne serait pas de l’amitié. Avec Sempé, elle est toujours délicate, subtile, pudique, et se nourrit non de silences mais de peu de mots, juste de ce qu’il faut. Jusqu’à l’aveu : « L’énorme et insoluble problème, c’est la solitude. » J’ignore si Dieu est amour, mais ce serait déjà bien qu’il soit amitié. "
EMMMANUEL BOVE EPRIS D'AMIS Né en 1898 et mort en 1945, Emmanuel Bove, dont Mes amis est sans doute le chef-d’œuvre, a cette particularité d’être sans cesse redécouvert. Au fil des générations, il a suscité l’admiration de Rainer Maria Rilke, Samuel Beckett, Peter Handke, mais ce n’est jamais suffisant pour lui assurer une gloire durable. Cet effacement permanent est peut-être le propre de son talent. «De 1927 à 1928, l’écrivain écrira onze romans ou recueils de nouvelles ! Le ton est donné, Bove se tiendra toujours à la périphérie, il sera l’allié des perdants, du côté des humbles, des gens de peu et des laissés-pour-compte de la réussite sociale», écrit Jean-Luc Bitton en préface de cette réédition de Mes amis, le premier livre de Bove, paru en 1924. Jean-Philippe Dubois dans la postface : «Et l’oubli relatif dans lequel cet écrivain retombe régulièrement dans l’histoire même de la littérature du vingtième siècle s’explique sans doute aussi par cette tendance à susciter le refoulement chez son propre lecteur» que Bove, certes, ne flatte jamais, ne reculant devant aucune description de mesquinerie ou de bassesse de pensée dont la lucidité peut faire peur. En réédition de la Mort de Dinah, il y a quelques décennies, les éditions du Dilettante avaient drôlement mis en quatrième de couverture ces phrases de l’intraitable abbé Louis Bethléem dans Romans à lire et romans à proscrire : «Emmanuel Bove, de son vrai nom Bobovenkof (sic) , est né à Paris, d’un père russe et d’une mère anglaise. Il apporte dans sa littérature tous les excès slaves. Ses romans, horriblement mal écrits, dégagent un pessimisme ef royable et roulent dans l’abjection.» Ils ne sont évidemment pas «mal écrits», ces romans, mais ils sont écrits à la manière de Bove, avec une simplicité qui apporte une effrayante brutalité. Quant au «pessimisme» et à «l’abjection», ce sont malheureusement ceux qui se dégagent de la vie quotidienne. «Mes amis, il n’y a pas d’amis» : la phrase indûment prêtée à Aristote s’applique on ne peut mieux au narrateur du roman de Bove. Il tâche de s’en faire mais cette trop grande volonté d’y parvenir l’en éloigne autant que sa complexion psychologique et l’organisation des rapports humains. Le début du roman est un autoportrait du narrateur au réveil, une histoire de sa toilette. «Ma cuvette est si petite qu’en y plongeant le deux mains à la fois l’eau déborde. Mon savon ne mousse plus : il est si mince./ La même serviette me sert pour la figure et les mains. Si je devenais riche, ce serait la même chose.» Une femme l’attire, qu’il embrasse ? «J’aurais voulu, à l’instar des grands amoureux, arracher les boutonnières, déchirer son linge, mais la crainte qu’elle me fît une observation me retint.» Son vrai but, c’est l’amitié : «Je serais si délicat avec la personne qui me témoignerait de l’amitié. Jamais je ne la contrarierais. Tous ses désirs seraient les miens. Comme un chien, je la suivrais partout. Elle n’aurait qu’à dire une plaisanterie, je rirais ; on l’attristerait, je pleurerais.» L’argent : «Ne trouverai-je donc jamais un homme bon et généreux ! Ah, si j’étais riche, comme je saurais donner !» L’amitié encore : «Mon imagination crée des amis parfaits pour l’avenir, mais, en attendant, je me contente de n’importe qui.» «On tient toujours à faire bonne impression sur les gens que l’on ne connaît pas.» Le personnage veut se rendre «intéressant», mimant le suicide, comme un «mendiant qui, en plein hiver, chante sur un pont à minuit» et décourage l’aumône par cet aspect théâtral. «Mais, tout de même, ne pensez-vous pas que c’est une situation bien triste que celle de mendier à minuit sur un pont ou de s’accouder sur un parapet, pour intéresser le monde.» Il offre à manger à un encore plus malheureux que lui ? «J’étais ennuyé qu’il ne manifestât pas davantage sa reconnaissance.» Plus loin : «Je tâtai mon portefeuille. Je prends toujours cette précaution avant d’acheter quelque chose et, parfois même, quand je n’achète rien.» Son propriétaire lui donne son congé parce que les autres locataires se seraient «plaints de ce que je ne travaillais pas» ? «J’étais celui qui, sans le vouloir, rappelait chaque jour aux gens leur condition misérable.» L’œuvre de Bove se garde de toute grandiloquence et se tient éloignée de tout ce qui constitue le grand genre littéraire. C’est comme si elle avançait de détail en détail et que le lecteur se retrouvait en définitive piégé, comme si son propre portrait se dessinait à travers ce qui ne semblait que de simples coups de crayon dont il n’imaginait pas que, à les rassembler, ils aboutiraient à quelque chose de si ressemblant. C’est comme si, à cause de ou malgré son humour, l’œuvre de Bove finissait par faire peur, à frapper si juste. MATHIEU LINDON, article paru dans Libération du samedi 14 et dimanche 15 novembre 2015.
On trouve sur YouTube le court-métrage au titre bovien "Quand je m'éveille" que Wim Wenders avait réalisé en 1982 pour l'émission légendaire "Cinémas, Cinéma". Le réalisateur y évoque Mes amis à 4 minutes 05 secondes. La réédition de Mes amis connaît un beau succès. Les éditions de l'Arbre vengeur vont probablement lancer une deuxième impression. Le livre est très présent sur les tables des libraires et se vend bien. Le livre est également bien accueilli par la critique. Le blog "La main de singe" en fait une belle recension, ainsi que David Nahmias sur Encres Vagabondes. Jean-Marie Planes évoque également Victor Bâton, "l'homme qui voulait être aimé" dans Sud Ouest. Olivier Barrot m'a invité à parler de Mes amis dans son émission "Un livre, un jour" qui sera diffusée le 20 novembre 2015 sur France 3 et en replay. France Culture rend également hommage à Bove avec une lecture du roman Armand en 9 épisodes. Bernard Morlino dans le Magazine littéraire de décembre 2015 a mis Mes amis en tête des livres à lire.
Une bonne nouvelle : Mes amis, le premier roman de Bove sera réédité pour la rentrée littéraire de septembre 2015 par les éditions de l'Arbre vengeur. Une réédition illustrée par François Ayroles avec une préface de votre serviteur. L'éditeur souligne qu'il s'agit d'une réédition à l'occasion des 70 ans de la disparition de Bove.
"On dirait un personnage d'Emmanuel Bove." (Eric Neuhoff, Le Figaro du 15 avril 2015)
Dans son émission "Les nuits magnétiques" France Culture a (re)diffusé le 14 mars 2015 un portrait d'Emmanuel Bove de 1983 dans lequel on peut entendre entre autres Raymond Cousse. L'émission est disponible en ligne et en podcast. http://www.franceculture.fr/emission-les-nuits-de-france-culture-nuits-magnetiques-emmanuel-bove-2015-03-14 Article de Bernard Morlino dans la revue Service Littéraire de mai 2014
La bibliothèque de l'été : «Mes amis», ça fait un effet Bove !
"Il y a des personnages littéraires assez forts pour devenir des prototypes d’un trait de caractère humain (Harpagon et l’avarice, Rastignac et l’arrivisme, Oblomov et la paresse…). Et puis, plus subtilement, il y a des personnages qui, sans nous résumer, rassemblent avec une perspicacité frappante plusieurs de nos traits. En général, ceux-là nous font rire, peur et honte. C’est le cas de Victor Bâton, le héros de «Mes amis», le premier roman d’Emmanuel Bove (1898-1945) paru en 1924 chez Ferenczi, mais qui s’avère d’une telle drôlerie, d’une telle modernité qu’il aurait pu être écrit la semaine dernière. Victor est un traîne-savate, un vrai. Mais pas du genre content de lui, ni érudit flamboyant à la Cossery, non. Victor loge dans un galetas à Montrouge et ne fait rien de ses journées, mais il aimerait bien. Il aimerait bien, sans évidemment faire rien pour, passant ses journées à errer dans les rues, les squares et les gares à observer les commerçants, les statues, les jolies femmes. Il est de ces fainéants qui trouvent le temps long. S’il pouvait, bien entendu, il voudrait avoir des sous, une belle maîtresse et se montrer généreux avec les pauvres, qui lui en seraient tellement reconnaissants. Mais il n’entreprend jamais rien, trop occupé qu’il est à gémir sur son sort du matin au soir. Les « amis » du titre, Victor n’en a pas, justement. Ou si peu. Des gens de passage, rencontrés dans la rue, pas toujours fréquentables. Il faut dire qu’il aime particulièrement qu’on le plaigne, ce qu’aucun d’entre eux ne fait jamais, hélas. Alors parfois, pour qu’on s’intéresse un peu à lui, il fait mine de se jeter à l’eau. Menteur, couard, hypocondriaque, égocentré au dernier degré, Victor se figure être un être délicat jeté dans un monde trop dur. Et là où Bove touche au génie, c’est en dépeignant ses accès de gaucherie, tous ces moments où, comme nous, il se sent encombré de son corps idiot, ne sait quoi dire pour paraître intelligent ou se mortifie d’avoir eu l’air grossier quand il ne cherchait qu’à faire de l’esprit. Victor exprime cette part de l’enfance maladroite et honteuse qui demeure chez les adultes. Entrant dans un bordel, il pense: «J’aurais tant voulu avoir l’air de connaître les lieux.» Voilà le résumé de son existence. Bien entendu, à la lecture de « Mes amis », on est vite frappé par un pressentiment – ce «Pressentiment» qui donnera son titre à un autre roman important de Bove, publié en 1935: et si les hasards de la vie l’avaient fait naître riche et puissant, plutôt que pauvre? La réponse coule de source: Victor se comporterait comme les autres, serait vaniteux, condescendant, voire un peu cruel. On le sait grâce à Neveu, un marinier encore plus loser que lui qu’il a ramassé dans la rue et à qui il offre une virée au resto. Mais l’ivrogne n’a pas de manière: il lui cause à peine. Pas étonnant que ce coup de maître ait ravi Colette, la marraine littéraire du jeune Bove: ses phrases courtes s’enchaînent avec une simplicité qui relève presque de la sécheresse. Mais elles révèlent un savoir-faire hors du commun, un tel sens de l’équilibre que pas une ne pourrait être retirée sans rendre bancal le paragraphe entier. Bove, cet anti-Céline qui vécut «la vie comme une ombre» (pour reprendre le titre de l’épatante biographie que lui ont consacré Raymond Cousse et Jean-Luc Bitton au Castor Astral, en 1994) ne martèle jamais, ne la joue pas à l’épate. Toute son œuvre, jusqu’au magistral «Piège» (paru en 1945) est de ce tonneau-là: drôle, désespérée, élégante. Comme l’écrit Enrique Vila-Matas*, «il est arrivé à Bove la même chose qu’à Marcel Schwob: ce sont deux écrivains qui ont changé l’histoire de la littérature contemporaine, mais qui sont méconnus, dont l’on parle à peine; bien plus grande est la renommée de leurs successeurs, qui surent retenir avec génie leurs leçons.» Pour les successeurs de Bove, rendez-vous, entre autres, chez Jean Echenoz ou Jean-Philippe Toussaint."
Arnaud Gonzague (Le nouvel Observateur) (*) dans la dernière livraison de la revue «Le Matricule des Anges» (juillet-août 2013), justement consacrée à Bove.
Photo Lea Crespi Pendant les vacances, Benoît Poelvoorde s'est cassé le bras. « J'ai plongé dans une rivière et je suis mal tombé. » Chez lui, c'est une habitude. Un mois avant « Podium », il s'était déjà cassé le bras. Sur « Astérix », le doigt. Deux fois. Et deux côtes pendant le tournage des « Deux mondes ». « Un acte manqué ? » propose-t-on. « Vous croyez ? » répond-il, cherchant avidement une réponse dans vos yeux. Oui, peut-être, un acte manqué. Comme pour se mettre en danger, ajouter de la difficulté au métier d'acteur qu'il vit, il l'a toujours dit, avec un sentiment d'imposture. Héritage de l'éducation reçue chez les Jésuites où l'avait placé sa mère, épicière à Namur, après la mort de son mari, le père de Benoît, chauffeur routier, disparu quand il avait douze ans ? Peut-être ce vieux fond de culpabilité judéo-chrétienne. Mais aussi, sans nul doute, parce que jouer relève pour lui de l'évidence. « Je n'ai jamais travaillé un rôle de ma vie. » A part des aspects techniques. La danse et le chant pour « Podium ». Le vélo pour le film de Philippe Harel. Sinon, il lit le scénario une fois et se pointe le jour du tournage. Instinctif. « Si je commence à travailler en amont, à m'appliquer, c'est foutu. » Même technique pendant les tournages où il fait volontiers le zouave. « Ma façon de me concentrer, c'est de ne pas penser à ce que je suis en train de faire », explique-t-il. Point d'exception pour « Une place sur la Terre », le film de Fabienne Godet qui sort mercredi et dans lequel il incarne un photographe asocial et alcoolique. Pour prendre les clichés censés être réalisés par Benoît Poelvoorde dans le film, la réalisatrice a fait venir le photographe américain Michael Ackerman. « Il m'a suffi de l'observer un peu. Et j'ai compris. Il parlait très peu, passait ses nuits dans des bars où il ne connaissait personne. On ne parlait pas la même langue mais on s'est vite entendus autour de ce langage universel qu'on appelle l'alcool », blague-t-il. Ce jeu à l'instinct, toujours juste, sans travail, pourrait se résumer en un mot : le talent. Lui, pudeur, fausse modestie ou sens des réalités, met ça sur le compte de la paresse. « Si un jour quelqu'un ouvrait les tiroirs de mon bureau, il comprendrait », assure-t-il. Des tonnes de projets inaboutis. « Des idées, ça j'en ai une toutes les secondes. Mais je suis comme ces écoliers qui tracent une marge sur leur feuille avant de rédiger leur rédaction. Sauf que moi, je ne fais que tracer la marge. J'écris "Je…" ou "Intérieur jour/Salon" et puis je me barre fumer une clope, boire un café ou flâner dans mon jardin », raconte-t-il, jamais avare d'autodérision. Jardin secretSon jardin (secret), c'est celui de sa maison, à Namur, ville où il a grandi et où il est resté. Lieu repère. Loin des démons du cinéma. Il y vit avec sa femme, Coralie, son ange gardien, rencontrée en 1992 à Cannes, l'année du succès aussi fracassant qu'inattendu de « C'est arrivé près de chez vous ». Un film de fin d'études, faux documentaire d'humour noir sur un tueur en série déjanté, devenu culte, réalisé avec ses comparses rencontrés à l'école d'art de Namur, Rémy Belvaux et André Bonzel. « On n'imaginait pas une seconde cet engouement. On était arrivé à trois dans une Golf qui ne pouvait pas aller au-delà de la 3 e. On était donc à 97 km/h sur l'autoroute. On a roulé pendant des plombes. Quand on est arrivés au Pierre et Vacances de Cannes La Boca, il y avait une piscine pourrie et un palmier. Il faisait un froid de gueux. Mais j'étais tellement heureux de voir un pauvre palmier que je me suis baigné », se souvient-il. La suite, on la connaît. Monsieur Manatane, sur Canal+ qui marque toute une génération, aujourd'hui trentenaire, d'adeptes d'humour absurde et trash. Et puis, le cinéma. Des rôles mythiques. Comiques, au départ, puis à partir de 2005, avec « Entre ses mains » et grâce à Anne Fontaine qui la première perçoit sa part de noirceur, des rôles plus graves. Il tourne beaucoup. Trop peut-être pour lui qui, à un moment, explose en vol. « Je voyais plus ma maquilleuse que ma femme. J'étais déprimé. Je dis bien déprimé. Ni dépressif, ni bipolaire, ni fou », tient-il aujourd'hui à préciser, sans doute lassé que la presse se répande sur le sujet. C'est précisément à ce moment-là, de grande lassitude, qu'il envisage d'arrêter le cinéma. « Mais chaque fois que j'en ai ras-le-bol arrive un beau projet. Ou un ami réalisateur qu'il faut soutenir », explique-t-il. Fidèle, il aime, et l'a prouvé, tourner avec les mêmes. Anne Fontaine, Benoît Mariage, Kervern et Delépine. C'est dans un instant d'ennui profond pour son métier, et de déprime latente, que surgit l'idée de créer un festival littéraire. Autour d'un verre, avec ses amis de toujours, il cherche un sens, un souffle nouveau. « Rien ne m'intéresse à part les livres et les bagnoles », déclare-t-il. Qu'à cela ne tienne, ses potes et lui organiseront un festival. Il pense, comme tous ses autres projets, ne pas parvenir à le mener à bout. Mais après « deux ans de chipotage », l'affaire voit enfin le jour ce week-end. Autour d'une idée : l'intime dans la littérature. « Lire, c'est apprendre des choses sur soi alors que c'est un autre qui parle. Et ce phénomène de miroir, cet échange intimiste entre deux personnes, me passionne. » Poelvoorde est entré en littérature à seize ans. C'est une fille qu'il convoite, étudiante en lettres, qui le met sur le chemin. Elle lui donne 5 livres à lire. Il se souvient de trois. « La Colonie pénitentiaire », de Kafka, auquel il « n'a rien bité ». « La Chatte », de Colette et « Le Baron perché », d'Italo Calvino ne le laisseront en revanche pas indemne. La machine est enclenchée. Lecteur boulimique Poelvoorde consomme alors les livres de façon boulimique. Puis, à vingt ans, la littérature devient une pose. « On ne jure que par Baudelaire. On prétend adorer le "Journal" de Kafka ou "L'Homme sans qualités" de Robert Musil. Alors qu'en vérité, on s'est emmerdé comme un rat mort », se souvient-il. « J'en ris souvent avec Jean-Pierre Bacri, qui doit être le seul mec à avoir vraiment lu "L'Homme sans qualités" jusqu'au bout. Moi, j'ai essayé au moins quatre fois, sans succès. » Son texte fondateur à lui, romantique transi à l'époque, c'est « Aldophe », de Benjamin Constant. Le comédien Eric Caravaca en lira d'ailleurs des extraits pendant le festival. Il y eut aussi « Le Tunnel », d'Ernesto Sabato, chef-d'oeuvre sur la passion dévastatrice. Puis Flaubert et son « Education sentimentale ». Et plus tard, bien sûr, Emmanuel Bove qui « décrit l'humain dans ce qu'il a de plus terrible et de plus gracieux ». Aujourd'hui, pour Poelvoorde, la littérature n'est plus posture mais « essentielle à [sa] vie ». Cet été, il s'est « tapé les 1.200 pages du Yann Moix », écrivain et réalisateur de « Podium ». Pas rancunier (ils ont longtemps été fâchés), il a trouvé le livre « dur et génial, emmerdant par moments et d'une immense drôlerie parfois. C'est du Moix : le fait d'écrire 1.000 pages est déjà, en soi, une provocation ».
Poelvoorde aime dévorer le matin tôt, le soir tard bien qu'il sache que « cela n'arrange pas [ses] insomnies ». Et sur les tournages, dans sa loge, entre deux prises. Fou de radio, il l'écoute compulsivement en podcast et au casque. « Je suis même capable de me taper des conférences du Collège de France, ça c'est vraiment quand je suis au fond du seau. » Les archives de France Culture meublent ses nuits sans sommeil. Il écoute « Le Masque et la Plume » « sur les livres seulement ! » en s'insurgeant tout seul, hurlant, contre les chroniqueurs. Cet amour de la voix et des textes l'ont mené logiquement aux livres lus, sa passion. Il a passé « 7 heures en bagnole », avec Karine Viard disant « Les Liaisons dangereuses ». S'est plongé dans Sylvia Plath avec Isabelle Carré, et « Laissez-moi » de Marcelle Sauvageot avec Fanny Ardant. Il n'y a rien qu'il aime plus qu'entendre des acteurs lire des textes. C'est donc cela qui aura lieu à Namur ce week-end. Edouard Baer, son grand ami, lira « Un pedigree », de Modiano, Catherine Frot, « J'ai réussi à rester en vie », de Joyce Carol Oates. Les auteurs Oscar Coop-Phane, Olivia Rosenthal ou encore Tom Lanoye liront leurs propres textes et Benoît Poelvoorde une nouvelle inédite de Laurent Gaudé écrite pour le festival. « C'est si beau que j'ai pleuré en la découvrant. » En attendant, il s'inquiète d'être à la hauteur de ce texte : « Ce n'est pas parce qu'on aime que l'on sait transmettre. » Pas paresseux, Poelvoorde. Inhibé. Qui l'eut cru ? Sarah Gandillot (Les Echos, 30/08/2013)Le dossier de l'été 2013 du Matricule des anges est consacré à Bove avec un entretien de votre serviteur. Emmanuel Bove vu par Dominique Fabre mercredi 6 février de 13h à 14h30 Pour cette nouvelle séance du cycle «Entendez-voir», organisé en partenariat avec l’Ina, à l’auditorium du Petit Palais Un important manuscrit de Bove mis en vente aux enchères par la maison ALDE le Emmanuel BOVE (1898-1945). Manuscrit autographe, La Mort de Dinah, 1928 ; 85 pages in-4, reliure vélin ivoire à recouvrement, titre peint sur dos lisse. Estimation : 2500/3000 euros Rare manuscrit de travail, complet, de ce roman d'Emmanuel Bove. La Mort de Dinah, court roman, fut publié dans la revue Les Annales politiques et littéraires (15 août-15 septembre 1928), et en librairie par les Éditions des Portiques en 1928, dans la collection « le Coffret des plaisirs variés » ; il a été réédité en 1992 par le Dilettante, et en 2006 aux éditions du Rocher/Le Serpent à plumes. Le manuscrit est écrit sur le recto de feuillets quadrillés ou lignés de cahiers ; probablement de premier jet, il présente de nombreuses ratures et corrections, avec des pages biffées. Il porte le sous-titre « nouvelle », et, en tête, la dédicace : « à Jean Giraudoux ». Il est daté en fin « Juin 1928 ». Parmi les corrections, on relève notamment la transformation du nom du protagoniste Victor Deloncle en Jean Michelez ; de celui de sa maîtresse : Berthe Lehmann en Denise Vannier (trois pages concernant leur liaison ont été biffées) ; de celui de sa femme Antoinette (Haurigot devenant Rigal). La Mort de Dinah est « la description poignante d'une amitié de dernière heure entre Dinah, une fillette de 13 ans, pauvre et malade, et Jean Michelez, un riche entrepreneur. Touché dans ses sentiments, l'entrepreneur va retrouver son humanité perdue, mais hélas trop tard pour la petite Dinah, qui s'éteint doucement dans les dernières pages du livre » (Raymond Cousse, Jean-Luc Bitton, Emmanuel Bove, la vie comme une ombre, Le Castor Astral, 1994). Citons encore un extrait d'un compte rendu de Jean-Luc Coatalem (Le Quotidien de Paris, 29 janvier 1992) : « Dans ce style simplifié qui est le sien, volontiers dépouillé, tranchant, Bove nous donne ici encore un exemple parfait de sa petite musique : un lento decrescendo, traversé de doutes et de torpeurs, où les choses de la vie vont toujours bancales, toujours pincées — comme on le dit parfois d'un coeur »…"On dirait des personnages de Calet errant sur les trottoirs de Bove [...] C'est beau, et surtout prometteur." Oscar Coop-phane lors de la soirée du Prix de Flore 2012 @ Franck Chevalier PARIS — Le jeune Oscar Coop-Phane a reçu jeudi le prix de Flore pour son premier roman, "Zénith Hôtel" (Finitude), une galerie de portraits de petites gens aux prises avec un monde trop grand pour eux. Le lauréat a été choisi au troisième tour par neuf voix contre cinq à Anne Berest pour "Les Patriarches" (Grasset).
Richard Yates Beau perdant
L'auteur américain, mort en 1992, a fait des vies ratées la matière de son œuvre. Ainsi des magnifiques nouvelles de « Menteurs amoureux ». Ne cherchez plus, c'est lui. Le grand maître du ratage. Le champion du fiasco toutes catégories. S'il fallait décerner un prix de l'échec en littérature, Richard Yates, sans aucun doute, remporterait la palme. Loin, très loin devant un concurrent pourtant sérieux comme Emmanuel Bove, par exemple. Car il ne suffit pas, pour un romancier, de saccager obstinément la vie de ses personnages. Ni de détruire méthodiquement la sienne dans leur sillage. Encore faut-il le faire sans panache ni grandeur. La défaite à l'état brut. Or, de ce point de vue, le cas de Yates est exemplaire. Raté le passage à la postérité: qui, jusqu’à une période récente, avait entendu parler de Yates, Richard, né en 1926? Raté, de son vivant, le contact avec ses lecteurs: ses livres se vendent peu. Ratée, enfin, sa propre mort: en 1992, Yates décède, au fin fond de l’Alabama, après avoir été opéré d’une hernie – intervention banale mais… ratée, elle aussi. Que faire, quand l’échec vous colle ainsi à la peau, sinon tenter de s’en débarrasser à travers l’écriture? D’en faire la texture même de ses livres, son fil d’Ariane, sa boussole? Toute l’œuvre de Yates est construite sur le revers, la faillite intime. Prenez Menteurs amoureux, son deuxième recueil de nouvelles qui nous parvient aujourd’hui, plus de trente ans après sa parution aux Etats-Unis (1981). La misère intérieure des personnages s’y dilue dans une sorte de déchéance molle. Les rêves de grandeur se cognent la tête à des plafonds trop bas. Les ambitions partent à vau l’eau dans «des éviers crasseux, infestés de cafards ». Car l’Amérique de Yates est moche, sale et méchante. Que faire? Rien. Sinon «jouer du pic dans la glacière » et se resservir un verre de scotch. C’est ce qu’a beaucoup fait Yates lui même, torturé qu’il était par ses débâcles sentimentales, fumant quatre vingts cigarettes par jour et abusant du Jack Daniel’s pour calmer ses crises maniaco-dépressives. C’est aussi ce à quoi s’emploie l’artiste (ratée évidemment) de «Oh, Joseph, je suis si fatiguée». Dans cette nouvelle magnifique, un homme se souvient de sa mère, dans les années 1930, à Greenwich Village. Le père – ce «salaud», ce «fils de pute minable»–a quitté la maison depuis belle lurette. La femme, sculptrice sans talent ni argent, mène une vie de bohème miteuse. Un jour pourtant, la chance sourit. On lui demande de «façonner, d’après modèle vivant », le buste de Franklin D. Roosevelt. La femme se rend à la Maison Blanche pour prendre les mesures du président. «J’ai vu, racontera-t-elle, un pied avec ces affreuses attelles en métal fixées à sa chaussure, puis l’autre. Il transpirait, il haletait, et son visage était comment dire, tout luisant, crispé, affreux.» Que se passe-t-il ensuite? Mal conseillée par son amant, elle finit par livrer une tête minuscule, sans intérêt, tout juste bonne,«une fois percée d’une fente en son sommet, à faire une tirelire pour la petite monnaie». La chance a tourné, elle s’étonne de n’avoir rien vu venir. Veau, vache, cochon, couvée…Les fantasmes de gloire s’évanouissent. Tout comme l’amant parti rejoindre une autre femme – l’épouse cachée dont il n’avait jamais divorcé. C’est une constante chez Richard Yates. Les personnages agissent et se regardent agir. Dans une sorte de dédoublement incrédule. C’est moi, ça? Comment ai-je fait pour me fourrer dans pareille panade?, se demandent-ils sans arrêt – à l’instar de Warren Matthews, plaqué lui aussi par sa jeune femme, et qui se réveille un jour, sans savoir comment s’en débarrasser, dans le lit d’une prostituée mythomane de Piccadilly («Menteurs amoureux»). Tel est le héros yatesien. Englué dans des situations qu’il n’a pas voulues. Pris dans les rets du mensonge et de sa propre lâcheté. Miné par deux forces contraires, l’élan et la résignation. « Incapable de trier le faux du vrai.» «Assez crétin enfin pour avaler les histoires des autres»… Et lorsque, comme Jack Fields (« Et dire adieu à Sally »), il décide qu’il est temps de «reprendre en main les rênes de sa vie», il est incapable de savoir «par où commencer ». Il a beau serrer les poings, le visqueux du réel leur glisse entre les doigts. Et sa détresse, alors, redouble de plus belle. «Entrer, sortir, ne pas s’attarder.» Telle était, pour Raymond Carver, le secret d’une histoire réussie. Ce pourrait être la devise de Yates– que Carver admirait – et qui apparaît ici, non seulement comme un grand nouvelliste, mais comme le père du minimalisme. Dépouillement, ellipses, silences… Chaque mot est pesé. Chaque dialogue gratté jusqu’à l’os. On dit qu’un écrivain ne raconte jamais qu’une ou deux histoires. Yates, lui, n’en a qu’une. Un thème unique, mais avec ses variations, ses couleurs différentes. «Sept nuances de gris et de glauque» : voilà qui ferait un titre à la mode pour ce beau recueil…Vous pourriez en être rebuté. Vous auriez tort ! Florence Noiville Illustration : Aline Bureau MADE IN ITALY
Emmanuel Bove Emmanuel Bove Gianfranco Pecchinenda A l'occasion de la parution du roman La Coalition en italien, l'Institut français de Naples organise une rencontre autour d'Emmanuel Bove le lundi 29 octobre 2012 à 18h. Une lettre d'Emmanuel Bove à son frère Léon Bobovnikoff sera proposée aux collectionneurs lors de la vente aux enchères du 6 juin 2012 organisée par Pierre Bergé & associés. Pour plus de détails, cliquez ICI. Lettre d'Alain Robbe-Grillet à Marie-Christine Pétremann UNE LETTRE INEDITE DE COLETTE "Une lettre signée Colette de Jouvenel pour plaider en faveur de Mes Amis, le roman d'Emmanuel Bove. Lettre autographe signée, sur papier bleu garance, avec pour en-tête une adresse 69, Boulevard Suchet et un téléphone Auteuil 06.27 . Le document est intéressant, même s'il ne comporte pas de date précise: la lettre a vraisemblablement été écrite en 1924.
REPONSE : Goncourt 1924 Thierry Sandre : Le Chèvrefeuille chez Gallimard SOURCE : Le blog de crimonjournaldubouquiniste "Micha", ou la grâce en lutte avec le temps Il y avait beaucoup d'amis de Mikhail Baryshnikov, jeudi
à Chaillot. Ils étaient venus voir celui qu'ils appellent
"Micha" et qui, pour la première fois, joue, dans In
Paris, une pièce adaptée d'une nouvelle d'Ivan Bounine.
On sentait le léger frisson d'une première un peu particulière,
l'attente affectueuse d'un public acquis au "prince de la danse".
Qu'allait-il donner, en incarnant un général russe immigré
à Paris dans les années 1940, seul dans la ville, avec ses
souvenirs, le passé enfoui, son pays perdu ? Comment allait-il
traverser le temps de la nouvelle de Bounine, qui le fait entrer un soir
dans une cantine russe et s'asseoir à une table à l'écart,
comme un personnage d'Emmanuel Bove ? Voilà pour la nouvelle, qui tient en quelques pages. Le spectacle, lui, dure une heure et demie. Il semble sorti d'une malle ancienne où auraient été conservées les reliques d'une avant-garde supposée du XXe siècle. Mais il y a Anna Sinyakina, belle et vibrante. Et il y a "Micha", avec son pardessus sombre et sa petite moustache. Dmitry Krymov le met en scène comme s'il était un joyau à sertir. Précaution inutile : ce n'est pas cela qui se joue. Voyant Baryshnikov, on voit ses souvenirs de Baryshnikov. Toutes les soirées somptueuses qu'il a données. Et surtout ce soir insensé, où, sur une scène suisse, au tournant des années 1970, il avait sidéré les danseurs qui l'accompagnaient, en échappant à la pesanteur. Un éclat lointain en revient, quand Baryshnikov esquisse quelques pas, à la fin d' In Paris. Dans une séquence sublimée, le général mort se transforme en torero. Avec son manteau retourné et la grâce inaltérable de son corps, le "prince de la danse" combat alors un ennemi invisible : le temps qui passe. THéâTRE | | 10.09.11 | Le Monde / Brigitte Salino Vente d'une lettre d'Emmanuel Bove à son frère Léon
"Sur les pas d'Emmanuel Bove à Bécon-les-Bruyères" Du 4 mars au 30 avril 2011 Entrée libre - Bibliothèque J-B Charcot
- 184 boulevard Saint Denis - 92400 COURBEVOIE "Il y a quelques années j'avais souhaité commencer un blog autour du Bécon-les-Bruyères d'Emmanuel Bove pour inviter (surtout mes proches) à découvrir le texte de manière ludique, en confrontant des photographies du Bécon contemporain où apparaissait Bove : portraits photoshopés sur les murs comme des affiches, ou présence discrète ici et là comme un fantôme ou un ange protecteur (manière de dire que Bove habite toujours le lieu...)" (Julien Brachhammer) Le photographe Julien Brachhammer nous invite à une jolie promenade à travers Bécon-les-Bruyères en compagnie d'Emmanuel Bove. Son travail étonnant fait penser à celui du phototographe américain David Wojnarowicz autour de Rimbaud à New York. Dans le cadre de cette exposition le comédien Grégoire Oestermann donnera une lecture du texte Bécon-les-Bruyères à la bibliothèque de Courbevoie le samedi 5 mars 2011 à 18H. Le site de Julien Brachhammer où l'on peut voir les" traces" de Bove à Bécon-les-Bruyères... "cela reste un écrivain qui me fascine.
Son personnage central, c'est l'homme dans ce qu'il a de lâche,
l'homme qui a peur. Ses défauts le rendent humain. Il se ment à
lui-même, il ment aux autres. " (Benoît Poelvoorde à
propos d'Emmanuel Bove) En février dernier, vous avez annoncé que
vous alliez cesser de faire l'acteur. Intox ? Vous aviez un moment le projet d'adapter un roman d'Emmanuel
Bove. Est-ce toujours d'actualité ? Les losers, les veules, les méchants, vous en avez
souvent interprété... Vous êtes issu d'un milieu modeste, étranger
au cinéma. Est-ce que cela compte dans votre parcours ? Vous désacralisez volontiers votre profession... Avez-vous eu une enfance heureuse ? A quel moment avez-vous eu conscience que vous faisiez
rire ? En 1992, c'est justement avec Rémy Belvaux et André
Bonzel que vous cosignez une bombe potache, devenue phénomène
public, C'est arrivé près de chez vous... Par la suite, tout s'est enchaîné très
vite. Trop ? Pour faire rire, le physique est-il important ? Entre ses mains, d'Anne Fontaine, en 2005, où vous
jouez un serial killer qui tombe amoureux, est un tournant dans votre
carrière. Pour la première fois, vous ne faites plus rire
du tout... Vous sentez-vous maintenant capable de tout jouer ? A quoi mesure-t-on un bon acteur ? Avec les années, on a le sentiment que vous ressemblez de plus
en plus à la fois à Louis de Funès et à Bourvil. Dans Les Emotifs anonymes, vous êtes, vous aussi, un patron, mais
d'un tout autre genre, noué par la timidité. Avez-vous des
points communs avec lui ? Vous restez indissociable de la Belgique. Comment voyez-vous ce pays
aujourd'hui ? Plus divisé que jamais ? A propos de Rien à déclarer, Dany Boon raconte que dans
sa jeunesse il passait souvent la frontière franco-belge avec chaque
fois une appréhension. Vous aussi ? Et vous, qu'allez-vous faire ? Sans enfants ? Propos recueillis par Jacques Morice Michel Houellebecq, lors de la remise du prix Goncourt
2010 "Il souhaitait être enterré très précisément au cimetière du Montparnasse, il avait même acheté à l'avance la concession, une concession simple, trentenaire, qui se trouvait par hasard située à quelques mètres de celle d'Emmanuel Bove." (La carte et le territoire, p. 317.)
Août 2010. Le roman Un Raskolnikoff traduit en allemand par Thomas Laux a été publié aux éditions Lilienfald Verlag.
Le 12 juin 2010, dans le cadre du festival Paris en Toutes Lettres, le comédien Grégoire Oestermann a lu Bécon-les-Bruyères. Je n'ai pu malheureusement assister à cette lecture étant moi-même en répétition de mon exercice d'admiration sur Jacques Rigaut que je présentais le lendemain. Si certains possèdent des échos (images, sons, etc.) de cette lecture, je suis preneur. Merci d'avance.
Réédition chez Manucius d'un des deux romans policiers écrit par Bove. Un édition présentée par Bruno Lopat. Dans ses carnets du rocher 1982-1987, Peter Handke évoque plusieurs fois Emmanuel Bove dont il a été le traducteur pour l'Allemagne. Il note des citations de Bove ou ses impressions de traducteur et de lecteur : "Madeleine, comme je lui souriais, m'a regardé comme les gens qui se réconcilient avec quelqu'un qu'ils n'aiment pas. (Emmanuel Bove, Journal écrit en hiver). / "Genre épique (La Répétition) : les jours et les nuits, et l'année, et le siècle (chez Emmanuel Bove ce sont seulement les jours et les nuits, même son : "Les étoiles clignaient dans l'air limpide, comme menacées d'un vent céleste.") / "Raconter : chercher les cordages entre les mâts, les lianes entre les ramures d'arbres (la tombe d'Emmanuel Bove au cimetière Montparnasse: des spores de platane dans la chapelle funéraire, et juste à côté le vacarme des voitures) (28 mars) / "A chaque instant des remarques de sa fille le plongeaient dans un abîme. un jour, par exemple, comme il lui avait dit en la regardant avec admiration : "Je voudrais que tu sois une reine", elle avait répondu avec une pointe de mépris : "Tu devrais dire une sainte" (E. Bove, Un père et sa fille, un chef-d'oeuvre!) / "Au milieu de la nuit, la clarté se fit lentement dans son cerveau . Pour échapper à sa douleur, il lui suffisait...d'oublier tous ses rêves et ses ambitions, et de ne plus avoir qu'un seul but devant les yeux : être le dernier homme" (Emmanuel Bove) / "L'être aimé qui te sauverait s'il te connaissait - mais qui cesse d'exister sitôt qu'on lui adresse la parole" (E. Bove : la religion révélée par un écrivain, dans un contexte très quotidien; il faut que je lise Emmanuel Bove aussi attentivement que Friedrich Höderlin) / "Le même soin que les sauvages mettent à la confection d'un piège, il l'apporta à ses préparatifs de voyage" (Bove, L'amour de Pierre Neuhart) / "L'homme qui la nuit dernière marchait dans le hall presque désert de la gare de l'Est avec un petit traîneau m'a fait penser à Emmanuel Bove (17 février) / "Emmanuel Bove : à la lettre le saint des derniers jours" / Peter Handke, A ma fenêtre le matin, Carnet
du rocher 1982-1987, éditions Verdier, 2006. DISPARITION Nora de Meyenbourg était la fille de l'écrivain Emmanuel Bove. Elle a beaucoup contribué à la réhabilitation littéraire de son père tout d'abord en sauvegardant soigneusement ses manuscrits et sa correspondance qu'elle conservait dans une malle chez elle jusqu'à qu'elle décida de confier ces archives à l'Imec, mais également en participant étroitement à la réédition de l'oeuvre oubliée de ce père écrivain dont elle était fière. C'est d'ailleurs dans le cadre d'une réédition, il y a tout juste un an, que j'avais eu le plaisir de revoir Nora chez elle à Blois. Olivier Gadet, le directeur des éditions Cent pages et moi-même avions été épatés par sa vivacité d'esprit et son enthousiasme à consulter les épreuves finales de Bécon-les-Bruyères mais aussi à évoquer le souvenir d'Emmanuel. Nora vient de disparaître, elle sera inhumée ce jeudi 17 septembre 2009 à Blois. J'adresse mes condoléances à ses amis et à ses proches. La vidéo de ma dernière visite chez Nora Quand la littérature s'écarte du roman sans
renoncer au récit, elle jouit d'une distance nouvelle face au monde.
Plus près des choses, elle se contente d'êtreun simple instrument
d'enregistrement, comme un oeil mécanique au milieu de la vie.
Aujourd'hui, ce parti pris, de Georges Perec (citons par exemple sa Tentative
d'épuisement d'un lieu parisien) à Jean Rolin et ses Zones,
n'est pas révolutionnaire, mais lorsque Emmanuel Bove publie en
1927 Bécon-lesBruyères, sa démarche est singulière.
Elle annonce un genre nouveau : celui de la littérature documentaire.
A l'origine, c'est un texte de commande pourunecollection, "Portraits
de la France", dans laquelle Paul Morand s'intéressa à
Toulon et André Maurois, à Rouen. Au regard de ces villes,
le choix d'EmmanuelBove peut sembler bien incongru.
On connaît l'admiration du comédien et réalisateur Jean-Pierre Darroussin pour l'écrivain Emmanuel Bove dont il a adapté le roman Le Pressentiment, plus inattendue (quoique...) celle du comédien belge Benoît Poelvoorde qui, le 6 juin prochain, lors du festival "Paris en toutes lettres" donnera une lecture de Mes amis, le premier roman du "plus grand des auteurs français méconnus". MAGIC MIRROR à 21H P.S. : La lecture de Mes amis par Benoît Poelvoorde a été annulée, le comédien ayant été retenu sur un tournage. Selon Olivier Chaudenson, le directeur de "Paris en toutes lettres", cette lecture est remise en 2010 dans le cadre du prochain festival.
Vente aux enchères publiques le 8 avril 2009 de la bibliothèque Christophe d'Astier dans laquelle on trouve des éditions originales d'Emmanuel Bove. Voir le catalogue ici. LOT 46 MES AMIS. 200—300 EUR édition originale. In-8 (188 x 110 mm), broché. envoi autographe signé : "à Monsieur Henri Lenseigne, ce premier livre en témoignage de reconnaissance et de vive sympathie. E. Bove". pièce jointe : lettre autographe signée (1 p. sur 1 f., 268 x 209 mm) de remerciement à John Charpentier pour sa critique dans le Mercure de France « [...] Je vous remercie de tout coeur. Vous n'avez pas voulu relever certains détails qui, je le sais, sont de trop. Ainsi, vous avez montré que vous aviez confiance en mes livres futurs et que vous étiez indulgent pour les erreurs d'un premier livre. Je vous suis très reconnaissant. [...] ». Février 2009, parution du roman Le Pressentiment en poche au Seuil avec une préface de Marie Darrieussecq. "Le Pressentiment", ou quand un avocat parisien
refuse le confort des beaux quartiers Jusqu'à quel point peut-on tirer sa révérence au monde ? Le rêve n'est pas neuf : larguer les amarres et filer vers le large dans l'espoir de vivre enfin quelque chose qui ressemble à la vérité. Folle et grave ambition qui anime des êtres intransigeants (par exemple, le personnage mis en scène par Sean Penn, en 2008, dans le film Into the Wild) et qui fut aussi, pour partie, celle de l'écrivain Emmanuel Bove. De son vrai nom Emmanuel Bobovnikoff, ce Français de père russe, né en 1898 et en 1945, choisit d'offrir la plus petite surface possible aux honneurs et au confort. Avocat parisien issu de la bourgeoisie, marié et père de famille, Charles Benesteau n'est pas un révolutionnaire. Il a "une cinquantaine d'années", porte une moustache noire et souffre peut-être, apprend-on, des "conséquences tardives de la guerre". Un homme parmi d'autres, en somme. Sauf que celui-là ne supporte plus l'hypocrisie qui l'entoure. Pire encore : "Il trouvait le monde méchant." A partir de cette phrase sublime, qui met en scène une sorte d'intolérance au mensonge, à l'égoïsme et à la cupidité, Emmanuel Bove va précipiter son personnage dans une quête radicale et finalement vaine. Car la méchanceté est une maladie terrible. Un fléau contre lequel Charles Benesteau ne possède pas d'anticorps. Son seul remède, c'est la fuite. Oh, pas loin : du 18e arrondissement de Paris, près de la place Clichy, l'avocat va passer au 14e, rue de Vanves, derrière la gare Montparnasse. Là, il emménage dans un logement modeste, après avoir quitté femme et enfants. Pas très loin, mais suffisamment, tout de même, pour se dépayser complètement. Il faut dire qu'en 1931, date à laquelle commence le récit, le quartier n'a pas la physionomie qui est la sienne aujourd'hui. Il y a même une immense misère, dans ce coin de Paris, peuplé de tout un monde que Benesteau n'a jamais côtoyé de sa vie.
En quelques mots, mais simples et limpides, qu'il passe sur l'inertie d'Eugénie, la vieille servante (qui "était sale parce qu'elle n'avait plus de dents, parce qu'elle n'avait jamais inspiré, nous ne disons pas de l'amour, mais le plus petit sentiment à qui que ce fût") et sur la douleur de Juliette, l'adolescente recueillie par Charles. Sa mère est à l'hôpital et son père en prison, pour avoir frappé sa femme : l'enfant n'a plus personne pour veiller sur elle. Pas d'angélisme, chez Emmanuel Bove. Et peut-être même un rien d'ironie vis-à-vis de son héros, que sa candeur a rendu si désarmé face au monde. Benesteau : n'entend-on pas l'adjectif "benêt" dans ce nom d'apparence inoffensive ? C'est que l'avocat ne se remet pas d'une découverte qui le blesse jusqu'au fond de l'âme : chez les pauvres, le monde n'est guère moins méchant que chez les riches. On y peut être fourbe, malveillant, âpre et même calomniateur, comme l'affreuse Madame Chevasse, qui fait courir sur son compte les pires rumeurs. Et le personnage, qui découvre enfin combien le destin l'a privilégié, se désole que "ces gens" refusent de "le considérer comme l'un des leurs". C'est un homme qui veut pousser une montagne à la seule force de ses mains, ce Charles. Et qui finit par en mourir, bien sûr - quelle autre solution ? Emmanuel Bove, lui, est mort à l'âge de 47 ans. A l'époque, les livres de cet écrivain "pathologiquement discret", selon l'expression de Philippe Soupault, n'étaient pratiquement plus édités.
Raphaëlle Rérolle
En librairie en janvier 2009, "Bécon-les-Bruyères"
la nouvelle d'Emmanuel Bove
Bécon-les-Bruyères, 2 mn d’arrêt Lumineuse idée des Editions cent pages, admirable éditeur de l’Isère qui réalise des ouvrages d’une irréprochable qualité typographique, de proposer en un petit volume un bijou à la fois très connu et parfaitement méconnu d’Emmanuel Bove, Bécon-les-Bruyères. Livre de commande dans le cadre d’une série où l’on demandait à des écrivains de raconter une ville, cet exercice nous prouve que les grands écrivains peuvent transformer une contrainte en art, car au-delà du simple travail d’observation auquel s’est livré Bove sur une ville dont il était l’habitant, c’est une radiographie littéraire de l’espace qu’il nous offre, braquant son projecteur ironique sur une non-ville, un lieu plus qu’une cité. Comme le dit Jean-Luc Bitton, le spécialiste incontesté de l’auteur, il s’agit d’une” monographie tout aussi ironique que poétique d’un no man’s land de la banlieue parisienne” qui vient poser sa provocation tranquille à côté d’illustres cités, démarche bovienne par excellence de cet auteur qui côtoya les gens de peu comme on dira plus tard pour leur donner une place unique dans la littérature du XX° siècle. Paru en 1927, il fait partie de ses premiers textes mais Mes amis l’avait déjà propulsé et très vite, à l’avant-scène. C’était d’ailleurs pour fuir cette gloire rapide qui lui faisait peur que Bove s’était éloigné, gagnant “ce lieu qui n’existe que par le nom de sa gare”, un endroit qu’il a sublimé en l’observant avec minutie, y cherchant des traces de vie tout en suspectant qu’il n’y en avait pas, d’où, on le voit, l’étrange profondeur de ce petit texte dont le souvenir peut vous poursuivre longtemps. Livre d’un habitant fantomatique sur une ville qui paraît dépeuplée, Bécon-les-Bruyères pourrait s’inscrire sans défaut dans cet ensemble bizarre qui s’appelle la “littérature de voyage”, non pas tant parce qu’on s’y déplace que parce qu’on y découvre la vraie nature du dépaysement, ce sentiment d’être le même mais ailleurs. Tous ceux qui ont lu ce micro-livre et qui ont un jour, au départ de Saint-Lazare, croisé le panneau SNCF annonçant cette gare qui n’a pas disparu malgré la pression des deux villes qui la tiennent serrée, ont fait l’expérience étrange d’une inexplicable familiarité avec un lieu où aucune raison ne vous porte. Et la tentation peut survenir d’y descendre… pour peu que le train veuille bien s’y arrêter… Les amateurs iront sans retard sur le magnifique site animé par son biographe Jean-Luc Bitton : http://www.emmanuel-bove.net/ Source : http://blogs.mollat.com/litterature/tag/emmanuel-bove/
ENSEMBLE : EMMANUEL BOVE & HENRI CALET T'ai-je dit que j'ai Adieu Fombonne dédicacé
à Calet: (E-mail de Bernard Morlino à Jean-Luc Bitton) UN SIECLE D'ECRIVAINS EN LIGNE Emmanuel Bove, un film réalisé par Hervé Duhamel et écrit par Jean-Luc Bitton, avec les témoignages d'Edmond Charlot, Raymond Cousse, Jean Gaulmier, Denise Margot, Simone Monnier, et Nora de Meyenbourg, pour France 3, "Un Siècle d'écrivains", une coproduction INA/FRANCE 3/IMEC/1996. Sur google video CHEZ NORA, LA FILLE D'EMMANUEL BOVE Nora de Meyenbourg filmée chez elle en septembre 2008. Pour regarder la vidéo, cliquez ICI! REEDITION Bécon-les-Bruyères bientôt
réédité aux éditions Cent Pages...
Michel Baudinat, comédien "Le temps est dangereux", disait-il dans Vous qui habitez le temps, de Valère Novarina. Jeudi 10 juillet, Michel Baudinat est mort, à Roanne (Loire), des suites d'un cancer. Il avait 68 ans. On ne verra plus son visage un peu lunaire, qui savait si bien convoquer les étrangetés de la vie. On n'oubliera pas son allure terrienne, qui semblait plantée dans le quotidien. On ne restera plus bouche bée devant sa façon de donner corps au langage, qui rendait populaires tous les mots en scène. Mais c'est avec Jean-Marie Patte et Valère Novarina que Michel Baudinat a tracé la plus belle part de sa route. Soit avec deux hommes de théâtre totalement à part. L'un, Jean-Marie Patte, tend vers l'indicible ; Valère Novarina, lui, cultive la profération. Mais ils ont en partage d'attaquer le théâtre par les faces nord, celles qui poussent à aller au bout de l'expérience des mots. Avec Jean-Marie Patte, Michel Baudinat a joué dans Les Bonnes, de Jean Genet, Abel et Bela, de Robert Pinget, Le Gardien du tombeau, de Kafka... ou encore Une pièce d'amour, de Patte lui-même. Avec Valère Novarina, Michel Baudinat a entretenu, pendant plus de vingt ans, un de ces compagnonnages qui donnent à une vie d'acteur sa lumière propre. Non seulement il a joué dans les pièces écrites et mises en scène par le Savoyard, mais il a créé six de ces pièces, du Drame de la vie, en 1986, au Festival d'Avignon, à L'Acte inconnu, en 2007, à Avignon toujours, mais cette fois dans le saint des saints - la Cour d'honneur du Palais des papes, où il a été donné à Novarina d'être un des très rares auteurs vivants à être entendu. Dans Vous qui habitez le temps, Michel Baudinat jouait le Veilleur, un rôle écrit pour lui, comme celui du Bonhomme Nihil, dans La Chair de l'homme, ou de Jean Terrier, dans L'Origine rouge. En 1999, l'acteur avait repris ces personnages dans un spectacle qu'il interprétait seul, sous le titre Le Vivant malgré lui. Le 28 janvier 2000, il l'avait présenté à Jérusalem, sous la neige, ce qui plaisait beaucoup à l'auteur. Il avait aussi joué du Novarina sous la direction de Claude Buchvald. "Je lui ai souvent dit qu'il était mon diapason : qu'il fallait qu'il soit au milieu de nous pour que tout sonne juste", se souvient Valère Novarina. Ceux qui ont eu la chance de voir jouer Michel Baudinat mesurent la reconnaissance qui passe là. Brigitte Salino / Le Monde du 24 juillet 2008
«J’ai parlé de Ponge à
Char, il y a eu un silence» «Le premier que j’ai traduit est Emmanuel Bove, il y a trente ans. Je revenais d’Alaska, j’avais fini Lent Retour, je retournais en Autriche et je ne pouvais plus écrire. C’était une pause d’angoisse. Je trouve scandaleux d’écrire, je ne comprends pas que ce ne soit pas un problème. C’est un sacrilège et, parfois, je suis un criminel heureux. Je ne pouvais plus écrire, mais je ne voulais pas abandonner les mots, leur rythme, la chaleur qui est à leur place, et, en Autriche, j’avais besoin de lire dans une langue étrangère. J’ai commencé par lire mot à mot les présocratiques. Puis Luc Bondy m’a fait découvrir Emmanuel Bove. Le traduire était un vrai match de foot : Emmanuel Bove était le joueur principal et moi je l’aidais à jouer dans l’autre camp, en langue allemande. Le premier texte était Bécon-les-Bruyères. Il décrit les alentours de la gare, simplement cette gare de banlieue, et c’est incroyable. On n’a vraiment pas besoin de Gabriel Garcia Marquez (1) ! De lui, j’ai également traduit Mes amis et Armand. «Ensuite, j’ai traduit Francis Ponge. En Allemagne, il était occupé par les avant-gardistes. J’ai recommencé à lire le Carnet du bois de pins tandis que j’écrivais la Leçon de la Sainte-Victoire. Ponge dramatise un moment de sa vie qui, comme dirait Kafka, devient le sentiment profond - le passeport universel. Il voit le ciel d’Aix-en-Provence, au début de la Seconde Guerre mondiale, et il dit : ce ciel est tragique. C’était une nouvelle manière de rendre compte des phénomènes du monde, une possibilité très fraîche de la littérature. Il est vraiment simple à traduire. C’est un joueur. J’ai laissé des mots en français pour l’étrangeté de la langue. «Et il y a eu René Char. Depuis Paul Celan, qui l’avait magnifiquement traduit, il n’y avait plus rien. J’ai traduit Retour amont et les Voisinages de Van Gogh. Char, c’est comme les présocratiques : on ne comprend pas forcément le texte, mais on voit autre chose en le lisant. Je suis allé chez lui, à l’Isle-sur-la-Sorgue. C’était un faux sévère. Ce jour-là, un colloque lui était consacré, il y avait des universitaires. Tout le monde parlait d’une voix très douce autour de lui. Puis les universitaires ont disparu, il a sorti du vin et il a dit : "Maintenant que les lémures sont partis, on va pouvoir ouvrir une bouteille." Il était très grand et son portail, tout petit. Il se penchait dessus pour l’ouvrir. Quelqu’un y avait accroché une plume. Il l’a prise et il a dit : "Ce sont mes visiteurs préférés." Des gens qui laissent des signes et qui ne dérangent pas. Quand j’ai parlé de Ponge à Char, il y a eu un silence… pas très agréable. «Quand j’ai découvert ses textes, une phrase de lui dans Aromates chasseurs me fascinait comme un oracle : "Les femmes sont amoureuses et les hommes sont solitaires. Ils se volent mutuellement la solitude et l’amour." Maintenant, cette phrase me fait chier. Ma fille, qui a 17 ans, doit lire Char qui est au programme, et ça la fait chier aussi. Char se rend parfois important. Philippe Jaccottet, en comparaison, ça fait du bien - même s’il joue la modestie. Quand on écrit, il faut être modeste et non pas jouer à l’être. De toute façon chaque écrivain est énervant, mais tous ensemble c’est l’œuvre de Dieu ! Sauf les idéologues : ceux qui ont besoin d’un adversaire. «J’ai également traduit Une jeunesse et la Petite Bijou, de Patrick Modiano. C’était pour moi une reconnaissance envers la France. Peut-être n’ai-je pas rendu le non-dit de ses phrases, mais je crois qu’il a quand même bien voyagé dans la langue allemande. Modiano est vague, cette manière vague délimite l’existence, il laisse dedans plein de choses vides. Parfois, dans ce vide, il laisse trop entrevoir un abandon ou un crime, ce qui m’ennuie, parce que ça rapetisse un peu le mystère du livre. Il n’y a pas d’utopie chez Modiano. C’est comme si au départ il manquait absolument tout. Au départ, il est toujours en danger : on est à la périphérie de l’âme, avec les orphelins. Un soufi dit que la révélation appartient aux orphelins, et non à ceux qui ont des parents. «Je ne pourrais jamais traduire un texte de moi en français. Goethe a essayé de traduire son essai sur les plantes, mais il a vite arrêté en disant : ces Français vont me prendre pour un typique mystique allemand ! L’allemand est un vêtement qui peut faire un bruit magnifique, avec qui on peut aller dans les profondeurs de l’âme en restant clair. Mais c’est une langue dangereuse : on ne peut jamais écrire, comme dans la langue américaine, des phrases qui ne signifient rien, juste pour l’électricité du dialogue. En allemand, chaque sensation a un jeu de mots et chaque mot peut devenir une épopée. Or un vrai mystique ne s’abandonne jamais à sa langue, ou alors il se perd. Beaucoup d’écrivains allemands se sont perdus à cause de ça.» (1) De Gabriel Garcia Marquez, évoquant les dictateurs et même les dirigeants de l’Otan que le Colombien a imaginés ou décrits, Peter Handke dit : «Dans chacun de ses livres, le protagoniste est soit un homme puissant, soit un puissant déchu - et lui, l’écrivain, y est toujours plus ou moins lié, il veut être avec les puissants. […] Que cet écrivain, qui est un bon écrivain, fasse de pareils crétins les héros d’une histoire, pour moi c’est tout simplement un sacrilège.»
Les éditions Nota Bene (Québec) ont réédité en poche le roman Armand accompagné d'une longue préface de François Ouellet intitulée : "Un Rastignac 1920". Achevé d'imprimer février 2007. Julien Chabot, illustrateur, parle sur son blog de sa rencontre avec Emmanuel Bove... Emmanuel Bove. On parle souvent d'oubli injuste à
son sujet, et je partage cet avis. C'est selon moi un grand écrivain.
J'ai fini mon premier livre de lui il y a trois semaines, et j'ai terminé
hier soir mon troisième. Si j'ajoute à cela que ça
fait un an que je n'ai pas réussi à finir un roman, ça
peut illustrer mon enthousiasme. La mort d'un bovien Je tenais à rendre hommage à l'écrivain et journaliste Paul Morelle qui vient de disparaître (voir l'article du Monde ci-dessous). Je l'avais rencontré lors de mes recherches sur l'écrivain Emmanuel Bove qu'il avait défendu dès les premières rééditions en 1977. Alors journaliste littéraire au Monde, il avait publié dans le "Monde des livres" un article mémorable intitulé : "Avez-vous lu Emmanuel Bove?" Ce ne fut pas une mince affaire : "Quand j'ai annoncé à la conférence de rédaction que je voulais faire un article sur Emmanuel Bove, tous m'ont regardé avec des yeux ronds..." Finalement, l'article paraîtra en première page du "Monde des livres" le 3 décembre 1977. NECROLOGIE "L'écrivain et journaliste Paul Morelle, mort à La Seyne-sur-Mer (Var) à l'âge de 89 ans, faisait partie de la première équipe du "Monde des livres" dirigée par Jacqueline Piatier, puis par François Bott. Engagé en 1969, il y resta jusqu'à sa retraite, en 1980. Ceux qui l'ont connu, promenant sa silhouette un peu voûtée, pipe à la bouche, dans les anciens locaux du journal, rue des Italiens, se souviennent de sa voix éraillée, de son humour un peu caustique et de sa grande liberté d'esprit.Né dans l'Oise, Paul Morelle milite très jeune à la SFIO et côtoie l'élite intellectuelle de l'époque - il fut notamment l'ami de Victor Serge. "Ce furent mes "universités"", dira-t-il. Après un engagement résolu dans la Résistance qui lui vaudra d'être plusieurs fois décoré, il commence sa carrière de journaliste à Franc-Tireur, puis à Oran-Soir. De 1948 à 1964, il dirige le service culturel de l'ancien Libération. Critique de théâtre, il se lie d'amitié avec Jean Vilar, Jean-Louis Barrault, Gérard Philipe... A 61 ans, en 1978, il publie son premier roman, La Douceur de vivre (éd. Le Sagittaire), puis, deux ans plus tard, un second, L'Embusqué (Stock). Dans ces deux livres, il se fait le chroniqueur alerte et peu conformiste des époques qu'il a traversées, celle du Front populaire puis celle de la guerre.En 1984, c'est à Aragon qu'il s'en prend, dans un pamphlet virulent, Un nouveau cadavre, Aragon (La Table ronde). Ni la vie ni l'oeuvre de celui qu'il nomme "l'homme-caméléon" ne trouvent grâce à ses yeux. "La mort n'est pas une excuse", avance-t-il, citant Georges Darien, pour justifier son geste iconoclaste. A la même époque, Paul Morelle relance le Prix du roman populiste, qui, créé en 1931, avait eu ses heures de gloire, avant de tomber en désuétude au début des années 1960." Patrick Kéchichian, le Monde du 7 juin 2007 Un roman bovien Dire que le nouveau roman d'Eric Faye est bovien n'est pas sorcier. Il cite Emmanuel Bove en exergue : "Je n'ai rien demandé à l'existence d'extraordinaire. Je n'ai demandé qu'une chose (...) C'est une place parmi les hommes, une place à moi, une place qu'ils reconnaîtraient comme mienne sans l'envier, puisqu'elle n'aurait rien d'enviable." De fait, il n'y a rien de surprenant dans ce patronage : on retrouve chez Faye la même affection pour les personnages lassés par la grisaille que chez le romancier récemment adapté au cinéma par Jean-Pierre Darroussin (Le Pressentiment). Le même désir de s'affranchir des comportements mimétiques, du monde du travail, des casse-couilles. Bove est expert en fugues, retraites et quêtes d'anonymat. Eric Faye n'a-t-il pas fait disparaître une armée (Le Général Solitude), un manuscrit (Parij), une femme (Les Lumières fossiles)
Le temps de nous raconter comment il a soupiré pour une certaine Blandine Bénard en répondant à une petite annonce et comment elle l'a grugé, arnaqué ; le temps de nous raconter sa misérable existence et nous confirmer qu'il est un pauvre type, Antoine Blin fait une exception à sa décision de trancher tout lien social : il rejoint le syndicat, avec l'espoir de rencontrer des minables, ses congénères, et peut-être l'estime de soi. La suite est surréaliste, digne du cinéma expressionniste allemand et de Marcel Aymé, irriguée par un humour de dérision et par le goût des réfractaires et des portes dérobées. Antoine Blin est encouragé à "faire la grève de la vie" (programme cocasse de négation du travail, de mise à genoux des dominants et de respect de la piétaille qui fera jubiler les déçus de 68), sélectionné dans une émission de télévision visant à organiser l'élection de M. Tout-le-Monde. Antoine Blin sera-t-il élu ? Quand bénéficiera-t-il de la clause ultime promise au lauréat, être inhumé au Panthéon durant six mois ? On n'aura pas la cruauté d'édulcorer ce maelström de manipulations ni de vous dire quand, comment et pourquoi, son bail d'immortalité échu, le célébrissime M. Blin sera transféré dans le cimetière de sa banlieue natale. Disons seulement la délectation offerte par la belle prose d'Eric Faye, qui ne bénéficie pas de la reconnaissance méritée. (Jean-Luc Douin dans le Monde des livres du 15/12/06 Le Pressentiment" : la vie choisie d'un taciturne Univers de l'échec, peinture de l'existence banale, velléitaire, poursuite d'une expiation sans faute : les romans d'Emmanuel Bove (1898-1945) mettent en scène des anti-héros, patauds perdus dans la foule, errants confinés dans des chambres sordides, hommes quelconques lassés par la grisaille, la nullité, la précarité. "J'éprouve avec force l'inaction", disait-il. On dépeint souvent ses personnages principaux comme des apathiques, asphyxiés par leur propre médiocrité. Ce n'est pas le cas de celui du Pressentiment (Le Castor astral), que Jean-Pierre Darroussin a choisi d'adapter. Charles Benesteau est au contraire l'un de ces bienfaiteurs inconnus que les humbles taciturnes que l'on rencontre d'habitude chez Bove rêvent de voir surgir. La médiocrité est autour de lui. Charles Benesteau, avocat, a tout plaqué : sa femme, sa famille, sa maîtresse, l'héritage de son père, l'hypocrisie bourgeoise. Il s'est installé dans un quartier populaire, pour écrire et passer inaperçu : un comportement qui surprend, dérange, irrite. Ses proches exigent des explications. Il en avait assez de ne voir autour de lui que des gens injustes, avares, flattant "ceux qui pouvaient les servir, ignorant les autres". Il trouvait le monde méchant. "Personne n'était capable d'un mouvement de générosité." Il espérait trouver le bonheur dans la solitude plutôt que perpétuer "ces misérables efforts pour tromper son entourage".
Il n'y a pas plus d'humanité chez ses nouveaux voisins que dans les beaux quartiers. On lui vole son vélo, on colporte sur lui des rumeurs. Il n'y aura guère que sa petite protégée et sa mère pour lui manifester de la gratitude. On parla d'"écriture blanche" à propos du style d'Emmanuel Bove. La mise en scène de Darroussin, qui signe ici son premier film, est tout aussi discrète, sans éclat au sens où Simenon (à laquelle l'intrigue fait d'ailleurs penser) usait d'un minimum d'effets. Le comédien, qui a tenu à jouer lui-même ce rôle de dépressif atteint par une tumeur maligne (la mesquinerie sociale), recueille les fruits de sa sincérité. Ce qui transpire de l'écran dans cette illustration sans esbroufe, c'est une franchise rare, une identification à son propos qui inspire le respect. Nul calcul dans ce choix d'un sujet déclassé. La leçon, généreuse et amère, du Pressentiment apparaît à la fois comme une critique de moeurs et comme l'autoportrait d'un comédien attachant qui livre en filigrane sa répulsion à l'égard des compromis. La trajectoire de Jean-Pierre Darroussin dans les mots d'Emmanuel Bove Jean-Pierre Darroussin a lu Emmanuel Bove il y a vingt-cinq ans. "J'avais vécu une enfance pauvre, une adolescence plus florissante. Quand l'opportunité de faire un film s'est présentée, c'est tout naturellement vers lui que je me suis tourné." L'acteur et réalisateur cite une phrase de Jacques Becker : "On ne peut bien raconter à l'écran qu'une histoire à soi. On peut l'emprunter à autrui, mais alors il faut l'aimer tellement que, à force d'y penser, d'y travailler, on finisse par oublier qu'elle a appartenu à un autre." En quoi Le Pressentiment est-elle une histoire à lui ? "Il y a toujours quelque chose qui me retient dans le système des certitudes. Robert Musil pensait qu'on n'a pas vécu inutile quand on a permis à quelqu'un de lutter contre ses convictions. Je retrouve en Bove ce camarade, ce flottement par lequel on peine à trouver son engagement. Une implication trop marquée vous rend toujours un peu ridicule. Je me sens plutôt un homme du possible, conscient de pouvoir être quelqu'un d'autre. Coup de bol, je suis acteur !" Tout plaquer, changer de vie : il est arrivé à Darroussin de connaître les mêmes doutes que son héros, Charles Benesteau : "C'était après l'éclatement de la troupe du Chapeau rouge, que j'avais montée avec des copains après le Conservatoire. Je suis parti un an et demi avec l'idée de changer de métier, d'aller voir si j'étais bien à ma place. J'ai été instituteur à la campagne. J'ai trouvé cela fastidieux, et suis revenu à la légèreté : la comédie. Il y avait sans doute un peu de dépression derrière ce virage." Place, engagement : Jean-Pierre Darroussin sait de quoi il parle. Proche de la Gauche prolétarienne après 1968, créateur d'une coopérative de coursiers, il envisage de suivre les traces de son père, artisan ouvrier libre-penseur, choisit de vivre ses idéaux dans le théâtre. Ses choix témoignent de sa solidarité envers le monde ouvrier, les tribus populaires. "La vision de Bove n'est pas pessimiste, puisque son personnage se voit comme un être du possible, donc de l'espoir ! Il est d'une dignité, d'une probité, d'une élégance ! Il n'y a que sa passivité, son acceptation de la fatalité que l'on peut trouver médiocre." Pourquoi l'avoir interprété triste, renfrogné ? "D'abord parce que c'est quelqu'un qui a envie de se disculper d'un truc dont personne ne l'accuse mais dont il s'accuse lui-même. Il se sent coupable d'être un nanti. C'est un nanti qui se réveille, mais qui reste délicat. Ce n'est pas un démonstratif. Il est trop coincé, trop rigide pour être capable de familiarité. Mon père disait que la familiarité engendre le mépris. Pour lui, l'enthousiasme, c'est quelque chose de vulgaire."
Comme le personnage incompris par son entourage, il a aussi "provoqué" la profession : "Vous dites un truc qu'il ne fallait pas dire, ils vous répondent : "Il est drôle !" Mais moi, ce qui m'intéresse quand je reçois un scénario, c'est sentir le type qui est derrière, sa sincérité. Je n'aime pas les stratégies, le manque d'implication personnelle. Il y a des gens qui préfèrent être engagés avec les mots des autres que n'être rien. Moi je préfère être rien, en attendant de sentir que ce que je dis, c'est moi qui le dis." Dans le jardin secret de Darroussin, il y a la peinture, Matisse ("C'est dans un avion, coupé du sol, qu'il a eu l'idée de se servir de ciseaux pour ses toiles. Magnifique !"), et cette réflexion d'Antoine Vitez selon laquelle il faut faire des choses qui divisent, qui perturbent : "Ce qu'il voulait dire, c'est qu'il faut permettre à chaque spectateur d'être unique, différent de celui d'à côté. Lui permettre d'avoir sa liberté d'interprétation." Jean-Luc Douin
Ce jeudi 28 septembre 2006, Jean-Pierre Darroussin est l'invité de l'émission "L'humeur vagabonde" sur France Inter de 20h10 à 21h. Mon témoignage sera également diffusé. Vous pouvez écouter ou réécouter cette émission sur Internet à cette adresse. Si ce n'est plus possible de l'écouter sur le site de France Inter, cliquez ici. Belle et sensible critique du "Pressentiment"
signée par Olivier Séguret (Libération du 1er septembre
06). "Elégance. Bien que les films [le Dalhia noir]
n'aient rien à voir, on pourrait faire la même remarque à
propos du très curieux premier film de Jean-Pierre Darroussin,
le Pressentiment, qui ouvrait hier la Semaine de la critique. On ne sait
rien des motivations exactes qui ont conduit ce considérable acteur
à franchir le cap de la mise en scène, mais son film, dans
lequel il s'attribue l'omniprésent premier rôle, suggère
en tout cas l'idée qu'il a voulu se peindre, se filmer, comme personne
avant lui ne l'avait fait. C'est donc un Darroussin tout neuf et très
surprenant qui occupe l'écran du Pressentiment, où il incarne
un grand bourgeois en rupture généralisée (il a plaqué
épouse, enfant, appartement, travail, etc., pour, croit-il, écrire
un livre). La tenue du film comme son propos stupéfient : légèreté
et élégance au service d'une vision profonde des hommes,
des femmes et du lien social. Ce personnage très attachant va-t-il
mourir ? Quelle mouche l'a piqué ? Cela pourrait être une
fable sur la générosité, mais c'est beaucoup mieux
: une leçon amicale sur le sens de la vie qu'il nous reste, à
tous et ensemble, à vivre et à mener."
Stéphane nous propose sur son blog une pertinente critique de "La mort de Dinah". A découvrir donc sa "Chambre d'écriture oisive..." "Jean Michelez est entrepreneur, c’est tout à la fois un homme installé, un mari négligent et un petit-bourgeois sans envergure qui ne s’intéresse qu’à l’argent. Ayant connu dans sa jeunesse la trahison familiale, les déceptions amicales comme amoureuses, sa personnalité s’est construite dans l’amertume et la rancoeur. La rencontre avec une femme, Mme Auriol (sa voisine) va révéler cet homme au peu d’humanité existant encore en lui et à la supercherie qu’aura été sa vie. Une petite fille, Dinah, sera la victime innocente et sacrificielle de la mesquinerie des hommes, et parmi eux, bien que pour des raisons différentes, Michelez et Dausset (le propriétaire du pavillon de Mme Auriol). Malgré ses allures de mélodrame éploré ce court roman (162 p.) réussit à nous émouvoir tout en restant parfaitement honnête. Comme toujours Emmanuel Bove réussit à parler de l’intime et de la misère dans une langue courte et sans fioritures, visant à une sorte de transparence qui au lecteur non initié peut paraître fade et neutre alors qu’il s’agit très exactement de l’inverse. Toujours prompt à pointer les faux-semblants et la médiocrité des hommes, Bove ne s’autorise jamais la facilité et trace à la pointe sèche des psychologies tout à fait précises et crédibles. La construction du roman, si elle paraît surprenante au début, prend tout son sens dans la dernière partie, l’attitude de Michelez, préalablement démontée et éclairée échappant ainsi en partie à la veulerie qui aurait pu la résumer. Ainsi, en nous tendant, au bout du compte une image plus nuancée, l’image d’un homme faible et sincère dans sa bêtise, un homme qui n’aura jamais aimé et qui n’aura jamais cherché à être aimé, quelqu’un de trop peureux pour s’engager, l’auteur fait preuve d’une grande subtilité et cherche à parler à hauteur d’homme sans porter de jugement moral trop fermement établi. En comparaison le personnage du propriétaire paraît un rien brutal même s’il permet à Bove de définir deux types de «salauds» très différents l’un de l’autre tout en continuant à dessiner encore plus finement la psyché de Michelez dont on ne sait pas bien s’il convient plutôt de le plaindre que de l’agonir. Pour finir, et même si le style diffère complètement, il y a dans cette étude comme dans «Coeurs et visages» quelques lignes dignes d’un Flaubert quand il s’agit pour l’écrivain, par une ironie mordante, de «démontrer» l’auto-satisfaction béate ainsi que la profonde bêtise des bourgeois et autres parvenus que par un troublant effet de contraste le personnage de la petite Dinah - dont le titre même du livre ne nous laisse rien espérer de son destin - de sa petite lueur vacillante d’ange malade, n’éclaire que d’une lumière plus crue encore, tout comme la misère morale dans laquelle un certain type d'homme évolue, parfois à son propre insu." Emmanuel Bove
FRANCE INTER ce dimanche 26 mars 2006 de 23H à
minuit : "JACQUES RIGAUT LE DADAÏSTE" L'écrivain espagnol Enrique Vila-Matas ne se contente
pas Enrique Vila-Matas Docteur Pasavento Ecrire, ne pas écrire : telles sont les deux activités au coeur de tous les textes d'Enrique Vila-Matas depuis plus de vingt ans et qui ont fait en France de l'écrivain barcelonais né en 1948 un auteur phare des éditions Bourgois (Passage du Nord/ Ouest a cependant aussi publié trois de ses volumes). Docteur Pasavento est le douzième livre de lui qu'elles publient et leur nouvelle collection de poche, «Titres», lancée aujourd'hui, comprend deux de ses textes dans ses six premiers volumes, Abrégé d'histoire de la littérature portative et Enfants sans enfants, dont respectivement Laurence Sterne, l'auteur de Tristram Shandy, et Franz Kafka sont d'une certaine manière les personnages principaux. Docteur Pasavento, comme d'habitude, est dédié «à Paula de Parma» et comprend cette question dès la quatrième ligne : «"D'où vient ta passion pour la disparition ?"» Ce thème permanent d'Enrique Vila-Matas a sans doute été le plus clairement énoncé dans le Mal de Montano dont l'épigraphe est «'Comment ferons-nous pour disparaître ?" Maurice Blanchot» et la première phrase : «A la fin du XXe siècle, le jeune Montano, qui venait de publier son dangereux roman sur le cas énigmatique des écrivains qui renoncent à écrire, s'est retrouvé emprisonné dans les rets de sa propre fiction et transformé en un auteur qui, malgré son inclination compulsive pour l'écriture, s'est retrouvé complètement bloqué, paralysé, changé en agraphe tragique.» Les écrivains et leurs textes sont presque toujours les héros véritables des livres d'Enrique Vila-Matas. Dans une espèce de post-modernisme humaniste, avec humour et ironie et non sans émotion, il fait vivre une seconde vie aux citations en en changeant l'auteur (Valery Larbaud se retrouve l'auteur d'une phrase de Christophe, le créateur de la Famille Fenouillard) ou en intervertissant les écrivains et ce qu'ils ont dit quand il en cite plusieurs à la fois, comme par exemple, dans Docteur Pasavento, Samuel Beckett et Peter Handke. Mais l'auteur au centre de ce dernier livre est Robert Walser, l'écrivain suisse né en 1878 et mort en 1956 après vingt-sept ans passés à l'asile, et qui passionne Vila-Matas depuis Abrégé d'histoire de la littérature portative. Car l'auteur de l'Institut Benjamenta, «le prince discret des écrivains qui ont du charme», est celui dont la vie et l'oeuvre se rapprochent le plus des ambitions des personnages de Vila-Matas. «Et cela faisait déjà des années qu'il était mon héros moral. J'admirais chez cet homme l'extrême répugnance qu'éveillait en lui tout type de pouvoir et son renoncement précoce à tout espoir de succès, de grandeur. J'admirais l'étrange décision qu'il avait prise de vouloir être comme tout un chacun, alors qu'en réalité, il ne pouvait être comme personne, parce qu'il ne souhaitait pas être quelqu'un, ce qui, sans aucun doute, rendait encore plus difficile son désir d'être comme tout le monde», dit rapidement le narrateur de Docteur Pasavento. «"Celui qui court après le succès n'a que deux possibilités, soit il l'obtient, soit il ne l'obtient pas, et les deux sont également ignominieuses", dit Imre Kértesz», dit à plusieurs reprises de narrateur en évoquant «l'horreur de la gloire littéraire», même si, dans son cas propre, le drame semble être de ne pas l'obtenir, de même que son goût de la disparition est couronné d'un succès exagéré, personne ne s'en souciant, au contraire, par exemple, d'Agatha Christie dont le bref effacement avait suscité mille émois. Docteur Pasavento n'est cependant pas une satire littéraire, c'est un texte d'où, à partir de la rue Vaneau, à Paris, sont évoqués les grands problèmes du monde, comme la politique syrienne au Liban (avec les aventures de Mohamed al-Joundi, le fameux chauffeur de deux journalistes otages français), et, certes, des questions qui peuvent apparaître de moindre envergure mais qui font aussi beaucoup pour la réputation de la rue Vaneau qu'habitèrent aussi bien Julien Green qu'André Gide : «Peu après, je me suis renseigné et j'ai appris que le Journal de Green couvre une période de soixante-dix ans (1926-1996), supérieure aux soixante-deux du Journal d'André Gide (1889-1951), classé deuxième dans le livre des records des journaux écrits par des Français.» On peut être narrateur et avoir par moments des préoccupations subalternes. Emmanuel Bove aurait aussi vécu rue Vaneau et cet écrivain-ci a plus de lien que les précédents avec Robert Walser : la grandeur ostentatoire n'est pas de son monde littéraire. Docteur Pasavento, dans sa traduction française, offre une occasion
commode de lire les premières phrases de la Promenade, de Robert
Walser, dans leur traduction italienne, car le narrateur les aime beaucoup
et Enrique Vila-Matas, l'écrivain espagnol, les a donc retranscrites
ainsi. Le narrateur raconte aussi ses aventures avec Christian Bourgois,
son éditeur français, et Antonio Lobo-Antunes, dont des
traductions paraissent dans la même maison. D'une façon générale,
Enrique Vila-Matas instrumentalise les écrivains, leurs livres
et leurs phrases. Mais sans, bien au contraire, qu'on puisse y voir le
moindre élément péjoratif. Plutôt comme on
instrumentaliserait des molécules pour en faire des médicaments,
ou des mots pour en faire des romans. Emmanuel Bove Lieu : Ardenne Grange aux dîmes Plus de renseignements sur le
site de l'IMEC
Article de Fabienne Jacob dans "Zurban" du 11 janvier 2006
Extraits entretien avec l'écrivain Marie Darrieussecq Vous vous êtes éloignée de François Mitterrand, mais pas des socialistes. Vous étiez membre du comité de soutien de Lionel Jospin en 2002...
L'"intellectuelle" que je suis est aussi sensible au président "littéraire". C'est quoi les goûts littéraires de Chirac ? C'est vrai que cet homme soi-disant de gauche avait des goûts de droite, qu'il aimait Chardonne et les nouveaux hussards. Mais les rêves de littérature, c'est tout de même assez touchant. Ce n'est pas si mauvais signe que ça. Je préfère me laisser berner par quelqu'un qui est littéraire que par quelqu'un qui est inculte. C'est tout de même mieux qu'un président entouré par Line Renaud et Muriel Robin. Est-ce un bon personnage de roman ?
S'il était un héros de roman, ce serait plutôt un roman à la Emmanuel Bove, où on attend beaucoup, où il ne se passe pas grand-chose. Il a fait lever l'espoir, mais il n'y avait pas de volonté. Entretien paru dans le Monde du 8 janvier 2006. Propos recueillis par Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin Extraits du chat du lundi 12 décembre
avec Jean-Pierre Darroussin, organisé par Télérama
en partenariat avec le Monde.fr Polo: Qu’est-ce qui, dans le livre d’Emmanuel Bove, Le Pressentiment, vous a donné envie de le mettre en scène ? JP_Darroussin : L’originalité, pour moi, c’est que
c’est l’histoire d’un bourgeois qui veut devenir prolo.
Et puis le thème de la volonté d’anonymat dans la
ville, de la volonté de n’avoir de comptes à rendre
à personne, de trouver sa liberté même si la rançon
de cette liberté, c’est une certaine perte d’identité.
Et dans les personnages de Bove, il y a la velléité de changement
de vie et un certain "bovarysme". C’est quelque chose
qui me parle, cette insatisfaction. Gwen : Y a-t-il des acteurs que vous voudriez plus particulièrement faire travailler ? JP_Darroussin : Dans Le Pressentiment, j’ai fait travailler beaucoup
d’acteurs que je connaissais de mes différentes expériences
au théâtre, c’est assez rageant, et c’est une
contradiction pour moi-même, puisqu’il m’arrive de faire
des seconds rôles ou des participations dans des films sur des personnages
qui pourraient être interprétés par des acteurs moins
connus. Et de ce fait, je prends du travail à des acteurs qui en
auraient peut-être plus besoin que moi. Même si les petits
rôles sont joués par des acteurs connus, ça devient
un peu énervant... Mais il y a aussi le rapport et la collaboration
avec le metteur en scène, l’amitié, tout ça
sont des choses qu’on est obligé de gérer, et je ne
sais pas trop dire non. Mais c’est vrai que je connais évidemment
plein d’acteurs formidables que le public ne connaît pas.
Et quand il s’agit de mon film, je n’ai pas peur de leur faire
totalement confiance. jan_jax_1 : Savez-vous dans combien de salles va sortir votre film ? Aimez-vous les chiffres ? JP_Darroussin : Je ne sais pas dans combien de salles mon film va sortir. Je ne suis pas beaucoup attaché au nombre d’entrées. Mais pour mon film, je crois que je vais m’y intéresser d’un peu plus près... Autrement, j’aime beaucoup les chiffres, je suis un grand joueur de sudoku. hijkl: Comment avez-vous rencontré l’œuvre plutôt confidentielle d’Emmanuel Bove ? Avez vous d’autres livres de chevets ? De lui ? JP_Darroussin : Par l’intermédiaire de Raymond Cousse, qui
est le biographe d’Emmanuel Bove et qui était un auteur de
théâtre que j’ai rencontré à l’époque
où, avec la troupe du théâtre du Chapeau rouge dans
lequel je travaillais après le Conservatoire, dans les années
1980. Les autres livres, il a écrit 35 romans, je les ai à
peu près tous lus il y a 25 ans. Mes amis, Mémoires d’un
homme singulier, Journal écrit en hiver sont ceux que je préfère.
Il y en a d’autres encore. jan_jax_1 : A-t-il été facile de monter le film financièrement ? JP_Darroussin : Non, l’histoire ne convainquait à peu près que les acteurs ou d’autres metteurs en scène, qui m’ont soutenu. Mais les décideurs financiers n’étaient pas emballés par une histoire aussi ténue et aussi peu spectaculaire. Il a vraiment fallu les convaincre qu’il y avait matière à être original et sensible et que justement, que ça pouvait être intéressant de faire un film où le spectateur restait vivant, et qu’il pouvait vivre le film suivant l’état dans lequel il était dans le moment où il le regardait, et que le film laissait la place à ce dialogue-là avec le spectateur. Donc les financiers, petit à petit, se sont mis à être curieux et ont mis le peu d’argent que je leur demandais... J’aurais bien eu besoin de plus, mais il fallait savoir rester raisonnable. mytailor : Entre le film rêvé et le film réel, à quoi avez-vous dû renoncer ? JP_Darroussin : C’est un travail en marche et le renoncement ne
m’apparaît jamais comme une douleur, mais comme une manière
de façonner. Je n’ai pas l’impression d’avoir
renoncé à quoi que ce soit. Mais on a besoin de se leurrer
pas mal quand on fait un film. Gwen : Comment feriez-vous pour nous donner envie d’aller voir votre film ? JP_Darroussin : Vous allez en sortir avec un sourire bienveillant accroché à vos lèvres... Moderateur : Un dernier mot, Jean-Pierre Darroussin ? JP_Darroussin : Soyez légers ! L'intégralité de la discussion ICI Dada monte sa bobine Comment mettre en images une histoire aussi subtile et ténue ? « La mise en scène m'a toujours intéressé. Mes camarades acteurs m'ont souvent reproché d'être plus sensible au point de vue du réalisateur qu'au leur. Je passais pour un fayot ! » Seulement voilà, Jean-Pierre Darroussin se méfie de ses propres convictions : « J'ai du mal à les imposer aux autres. C'est certainement pour ça que je ne suis pas passé à la mise en scène avant. A cause de cette pudeur. » Cette pudeur, il la surmonte une première fois en 1992, convaincu par un producteur de réaliser un court métrage de quinze minutes, plaisamment intitulé C'est trop con. Jean Pierre Darroussin lui trouve déjà quelque chose de « bovien » : « Un peu comme dans Le Pressentiment, c'est l'histoire de quelqu'un qui se met en dehors de la société. » Et puis, il y a presque trois ans, l'impulsion est encore venue de l'extérieur, plus précisément d'Agat Films, la société de production de Robert Guédiguian, son vieil ami, son complice de cinéma. Ce n'est pas lui, pourtant, mais un de ses associés, Patrick Sobelman, qui a l'idée d'une collection de films d'acteurs. Il pense tout de suite à « Dada » : « Je le croisais souvent à Marseille sur les tournages de Robert, et j'aimais sa façon de parler de cinéma ; il avait une petite voix à lui, une dimension plastique et onirique singulière... » se souvient-il. Jean-Pierre Darroussin accepte en pensant à Emmanuel Bove. Depuis vingt-cinq ans, il fréquente assidûment cet écrivain disparu en 1945, méconnu depuis, à part peut-être Mes amis, le roman que Darroussin appelle « son tube ». Bove était un peintre talentueux de la dérision humaine, champion dubitatif des antihéros de tout poil. « Je trouve cet auteur formidable. Beckett disait qu'il avait comme personne le sens du détail touchant. Il a ce don d'observer les maladresses, les événements minuscules, la façon dont les gens se débattent avec cette tragédie commune d'être seuls dans l'univers, confrontés à des forces qui nous dépassent. Les personnages pathétiques m'émeuvent. Par exemple, ceux qui cherchent à bien faire. La volonté de bien faire est pour moi quelque chose de drôle et de touchant à la fois. Surtout quand on rate la cible. » Le Pressentiment, dévoré il y a des années, lui avait alors déjà donné des envies d'adaptation. « Bove fait exister son personnage central en creux. Il n'agit pas, il subit les événements. Du coup, les autres sont obligés de prendre excessivement position face à lui. Le rapport social n'est fait que de faux-semblants. Si on a affaire à quelqu'un qui n'y répond pas, ces simulacres se révèlent d'autant plus. » La dimension sociale du récit est l'occasion pour Jean-Pierre Darroussin de se voir, lui aussi, « en creux » : « Je viens d'un milieu plus que modeste. J'ai changé d'univers petit à petit, par mon travail. Un peu comme ces footballeurs qui viennent de banlieue et qui deviennent importants simplement parce qu'ils savent jouer au ballon... D'un seul coup, ils sont transplantés, déclassés. Dans ce roman-là, je trouve passionnant que ce soit conté à l'envers : cette fois, on part d'un milieu privilégié. Quand il y a une ascension sociale, on est pris par l'aventure et on ne perçoit pas les détails. Alors que, là, on ressent beaucoup mieux ce sentiment d'être déclassé. » L'une des priorités de l'adaptation fut de transposer l'univers du roman au contexte d'aujourd'hui. Le comédien la rédige en collaboration avec sa compagne, l'actrice Valérie Stroh, elle-même scénariste et réalisatrice. « Situer le récit à notre époque nous permettait de prendre certaines libertés avec le livre. Il fallait trouver des correspondances entre hier et aujourd'hui, mais aussi apporter quelque chose de nos propres vies pour nourrir l'écriture. » Valérie Stroh explique comment, par exemple, ils ont injecté dans tel personnage un peu de son père à lui, dans tel autre un peu de sa grand-mère à elle. Une vraie écriture à quatre mains. Jean-Pierre Darroussin ajoute : « Elle a fait un gros travail de recherche dans d'autres écrits de Bove. Il y a des résonances de la vie et des hantises du romancier dans le film. Par exemple, lui-même est mort comme son personnage. » Dans le roman, Charles finit réellement par disparaître. Dans le film... c'est plus compliqué. Valérie Stroh et Jean-Pierre Darroussin ont déjoué toutes les attentes, y compris celle-là. « On n'est pas dans ce qui devrait se passer, le scénario agit tout le temps sur la frustration. Il faut qu'on soit surpris, dérouté », réfléchit Valérie Stroh. Une fois le script bouclé se posait une question évidente : qui jouerait Charles ? Contrairement à ce qu'on pourrait croire, la réponse n'allait pas de soi. « J'avais envie que quelqu'un d'autre m'apporte des idées, des émotions auxquelles je n'aurais pas pensé. Je me suis privé de ça. » Jean-Pierre Darroussin finit en effet par se laisser convaincre : il « incarnera » son film, physiquement. « J'ai joué un peu à l'aveuglette. Je me contentais de regarder l'image sur l'écran de contrôle au bout de quelques prises, et de mesurer si tout allait bien. Mais finalement, je suis arrivé à considérer le personnage sans me considérer moi-même, parce qu'il y avait un film à construire dont je n'étais qu'un élément. » Un Darroussin « en chantier », à la fois bâtisseur et matière première de sa construction : sur le tournage, entre fin juillet et septembre dernier, ce rôle lui donnait l'air un peu absent, faussement distrait, intensément concentré. L'équipe, une petite vingtaine de personnes, suivait les traces de Charles entre deux mondes : de la hautaine avenue Foch au brouhaha populaire de la rue Saint-Maur, des pentes herbeuses des Buttes-Chaumont - où Jean-Luc Bitton, le biographe d'Emmanuel Bove, est venu prendre quelques photos pour son site consacré à l'écrivain (1) - aux studios de cinéma d'Aubervilliers, pour les scènes d'intérieur. Partout, la même ambiance sereine, joyeusement égalitaire, où Dada prend sa place parmi ceux qu'il a choisis, conformément à sa réputation de fidélité. Nombreux sont ceux qui ont déjà une histoire commune avec lui : du chef opérateur Bernard Cavalié, qu'il a croisé sur les plateaux de Robert Guédiguian, à la première assistante, Valérie Mégard, et jusqu'aux comédiens : Hippolyte Girardot, Nathalie Richard, Anne Canovas ou Didier Bezace sont des amis, des camarades de théâtre, de cinéma, de conservatoire... Un copain architecte passe lui aussi devant la caméra, pour un petit rôle de « péroreur ». Et bien sûr, il y a Valérie Stroh, qui joue dans le film et suit le tournage en collaboratrice fidèle. Jean-Pierre Darroussin porte une attention particulière au jeu de ses partenaires. La performance en elle-même ne l'intéresse pas. Il préfère être à l'affût de « ce qui se passe entre les gens. C'est cet espace invisible qui doit vibrer ». Le voilà, en studio, qui règle en douceur une scène tendue entre Charles et sa famille. Hippolyte Girardot joue son frère Marc : « Jean-Pierre a une grande intelligence des personnages, une manière bien à lui de les attraper. » Pour Valérie Mégard, la première assistante, « c'est une éponge, il capte tout avec un respect extraordinaire ». Aujourd'hui, le tournage semble déjà loin. Dans une salle de montage d'un 16e arrondissement qui ressemble à tout ce que Charles Benesteau cherche à fuir, Jean-Pierre Darroussin peaufine son film avec Nelly Quettier, la monteuse de Léos Carax et de Claire Denis, entre autres. Encore une camaraderie qui ne date pas d'hier puisque Nelly Quettier avait déjà monté C'est trop con. Ils travaillent aux finitions et aux options encore possibles d'un montage déjà bien avancé. « Il faut que la rivière s'écoule bien depuis sa source jusqu'à son embouchure. Et il y a encore des petites retenues. Mais le lit du fleuve est creusé ! Le gros du paysage est dessiné. » Nelly Quettier « essaye des choses », fait valoir ses choix formels ou narratifs. Parfois, son metteur en scène se rend avec souplesse, parfois, il bataille avec le sourire, sûr de son fait : « Alors ça, je refuse avec virulence. » Ils viennent de projeter à quelques spectateurs privilégiés une version provisoire du film. Parmi eux, Robert Guédiguian. « Robert m'a dit qu'il aimait le film, et qu'il le trouvait très silencieux. Ça me fait plaisir, parce qu'en fait les dialogues sont nombreux, mais la sensation qu'on a est malgré tout de l'ordre du silence. Il y a donc quelque chose de sourd, quelque chose à écouter entre les mots... Et il a ajouté : "Mais c'est un film japonais !" » Un beau compliment pour Jean-Pierre Darroussin, amoureux depuis toujours de Mizogushi ou de Naruse. Sur ses influences, le réalisateur reste prudent, ne cite pas, par pudeur ou répugnance à la flatterie, les cinéastes avec lesquels il a beaucoup tourné, de l'omniprésent Guédiguian à Jeanne Labrune ou au couple Bacri-Jaoui. Il préfère évoquer des plans, des « bouts de film », parler de Woody Allen, Hou Hsiao-hsien ou Cassavetes, plus par pur plaisir de cinéphile que pour éclairer son propre travail. La sortie du Pressentiment est prévue pour le printemps prochain. Jean-Pierre Darroussin, acteur arrivé, plébiscité par la critique et le public, s'exposera alors un peu plus, différemment. Il est heureux d'en prendre le risque : « Le film me ressemble. Il a un style qui lui est propre, un mystère, une petite musique intime. Je n'en reviens pas d'y être arrivé. J'aimerais en réaliser d'autres, peut-être que ça deviendra un jour un geste professionnel, une belle habitude. Mais celui-là, c'est une naissance. » Evidemment, cette seconde vie accompagnera la première, ce métier d'acteur « absolument vital. L'un n'empêche pas l'autre, au sens propre : soi-même n'empêche pas l'autre. C'est une histoire de liberté fondamentale. » (1) www.emmanuel-bove.net Télérama n° 2917 - 10 décembre 2005 En librairie le 17 novembre 2005 Merci à Olivier Gadet, le directeur des éditions Cent Pages qui m'a envoyé un exemplaire de la revue "Montparnasse" qu'il vient de rééditer, dans laquelle Bove a publié des extraits de son roman Coeurs et visages sous la forme d'une nouvelle intitulée "le Dîner d'honneur" (numéro 51 mai-juin 1928) Emmanuel Bove et Gus Bofa se connaissaient... Merci à B. qui m'a transmis cet envoi. Octobre 2005 Les éditions du Castor astral inaugurent leur collection poche, "Millésime" avec la réédition d'Adieu Fombonne. Chaleureuse soirée bovienne à la Maison des écrivains. J'y retrouve Jean-Pierre Darroussin (en plein montage de son film "Le Pressentiment", d'après le roman de Bove), l'équipe du Castor Astral, Dominique Gaultier du Dilettante (en plein déménagement...), Marie-Thérèse Eychart (animatrice du débat), Didier Bezace (qui a monté "le Piège"). Je fais également la connaissance de Charlotte Bobovnikoff, l'arrière-petite-fille d'Emmanuel Bove qui lui ressemble étrangement... Projection du film de Bettina Augustin. Très ému à revoir ces images tournées il y a plus de dix ans. Raymond Cousse me manque, nous manque. Merci à Sylvie Gouttebaron, la directrice de la Maison des écrivains. Communiqué de la Maison des écrivains Mardi 18 octobre 2005 Cycle : Un auteur, une voix Pour l'anniversaire de la mort d'Emmanuel Bove, la Maison des écrivains accueille : Jean-Yves Reuzeau, Patrice Delbourg, Jean-Pierre Darroussin, Didier Bezace, Marie-Thérèse Eychard et Bettina Augustin. Projection du film de cette dernière "La vie comme une ombre" au cours de la soirée. Notons que Jean-Pierre Darroussin vient de terminer le tournage d'un film inspiré du roman Le Pressentiment. Dans le Figaro littéraire du 25 août 2005, Claude Duneton s'interroge sur la disparition du passé simple et son caractère obsolète aujourd'hui. Il prend pour exemple l'oeuvre d'Emmanuel Bove où ce temps littéraire est roi. "En réalité, avant la guerre de 1939-45, le passé composé avait une connotation plutôt populaire en ce qu'il était fortement marqué par le langage parlé – donc dans l'esprit des littérateurs il était impropre à l'expression écrite d'un passé lointain et défini. En même temps que L'Etranger, et à la même Librairie Gallimard, paraissait le roman choc de Jean Meckert, Les Coups, qui évoluait en milieu ouvrier parisien des années 30: «Tout miteux que j'étais, je me suis assis à la terrasse d'un café où il y avait de la musique. J'ai commandé un demi et puis j'ai écouté.» Au contraire, vingt ans plus tôt, chez Emmanuel Bove, dans un climat général identique de récit «miteux», le passé simple était encore la règle à l'écrit: «Nous nous levâmes. Un frisson me fit serrer les coudes. Avant de tirer la chaînette du manchon à gaz, elle alluma une bougie» (Mes amis, 1924). Indéniablement, ce temps parfaitement normal et recommandable sur le plan des convenances grammaticales a maintenant une allure presque obsolète; dans n'importe quel roman de cette rentrée nous aurions: «Nous nous sommes levés.» – et plutôt «On s'est levé. Un frisson m'a fait serrer les coudes». N'est-ce pas? Une question se pose: pourquoi et comment le passé composé a-t-il tout envahi au point de devenir à peu près l'unique temps en usage réel dans le français contemporain – oral et écrit? A quoi tient cette anomalie, alors que les autres langues européennes ont toutes conservé intact leur passé simple et défini? Les Anglais disent, même si la chose est arrivée la veille, «We got up. She lit a candle» – comme Emmanuel Bove..." 19 août 2005, cinquième semaine de tournage du film "Le pressentiment". Scène 118, extérieur jour : Buttes Chaumont. Charles est assis dans l'herbe. Autour de lui règne une agitation sereine, des jeunes gens jouent au vollley-ball, des bébés tombent sur leurs fesses. Charles (voix intérieure) : "Je me demande parfois à quoi j'ai bien pu employer le temps dont je ne garde pas le souvenir."
5 août 2005, troisième semaine de tournage du film "Le pressentiment". Scène 26, intérieur nuit : appartement Gabrielle. Dans la douce athmosphère de la chambre de Gabrielle Charmes-Aicquart, Charles est assis, sur le bord du lit à côté de Gabrielle. C'est une jolie femme, dans la quarantaine. Charles à l'air tendu, elle lui caresse la nuque avec amour. Bientôt en ligne des images du tournage... Daniel Gomulkin qui vit à St Petersburg me
signale que sa traduction russe du roman "Le Piège" a
été publiée dans le numéro 5-6 du magazine
littéraire "Sever" [Le Nord] consacré à
la Seconde Guerre mondiale. Une traduction en russe du roman "Mes
amis" est disponible en ligne sur le site du magazine électronique
"Topos" : http://www.topos.ru/article/2743 Des nouvelles de l'adaptation cinématographique
du roman le Pressentiment... Le Monde des livres du 13 mai 2005 "Tout corps prépare sa propre déchéance.
La mort n’est qu’un suicide méconnu". (Passage
des émigrants) François Ouellet, universitaire québécois,
signe un nouvel essai
Sud Ouest Dimanche du 21 novembre 2004
La Quinzaine littéraire du 16 au 30 novembre 2004 Technikart de novembre 2004 L'Humanité du 26 octobre 2004 Le Figaro littéraire du jeudi 21 octobre 2004
Le Monde du 21 octobre 2004
OCTOBRE 2004. RIGAUT FAIT LA UNE DE LA NRF VIA JEAN-LUC BITTON. Mais qui connaît dans la hiiiiiiipe parigote Jacques Rigaut ? Rigaut ? Rigaut ? Naaan presque Nobody le connaît excepté le Noyo Rotten du SDH... Vous savez cette "monstrueuse mailing list" (Laurence Rémila in Technikart juin 2004 p.50 dossier "Paris la Night") de crevards mondains et bien depuis un an, Jacques Rigaut en est le Parrain Officiel (çà vous ne le saviez pas). Seul un concours rhizomique de circonstances dont (entres autres) le clash entre la Littérature et son ennemi - le web et la crevardise - pouvait accoucher cette affiliaFion. Jacques Rigaut a été nommé rétroactivement par son biographe attitré, l'écrivain et journaliste Jean-Luc Bitton. Je le cite. "Le grandissime écrivain Jacques Rigaut aurait pu être le parrain du Syndicat du Hype". Quoi de plus naturel et mécanique pour celui qui écrivit "Vivre au jour le jour. Maquereautage. Parasitisme". Mais encore une fois, qui connaît bien Jack Rigow et ses histoires de "cane" ? [...la suite de l'article de Thierry Théolier sur le site de Parissi.com] Le Nouvel Observateur du 7 au 13 octobre 2004 Victor Bâton Le 9 novembre 2004 par Vincent Stevance
Avec Thierry Gimenez et Marc Peronne à l’accordéon. VICTOR BATON Du 22 au 27 novembre 2004 à 19h
C’est l’histoire d’un type désespérément
et profondément seul qui veut aimer, rencontrer un être humain,
partager des choses avec lui, en un seul mot : se faire un ami... Dans
les années trente, Emmanuel Bove réussit le tour de force
de faire du désespoir sans issue la chose la plus comique au monde.
Accompagné par Marc Peronne à l’accordéon,
Thierry Gimenez propose au spectateur de partager l’invraisemblable
et pourtant si humaine vision du monde du personnage Victor Bâton.
Le numéro 14 de rue Saint Ambroise vient de sortir. 16 textes forment la trame de cette revue exigeante consacrée à la nouvelle. On retiendra "Une fois dans sa vie", une nouvelle d'Isabelle Sojfer qui ouvre ce beau numéro sur l'histoire d'une cendrillon moderne : Ecriture piquante et drôle dans un style vraiment littéraire. Beaucoup d'autres nouvelles tournent autour de l'amour, de la séduction, de la nuit. Jean-Luc Bitton propose le chapitre 7 de son journal "La mer de la tranquillité" aux accents très sollersiens de dandy post-mondain. On pique ça et là avec bonheur dans ces chapelets de citations, tout en regrettant le côté un peu superficiel de ce journal. On joue toujours avec Gérard Merveille et son "Scarlett o' Hara" ou avec la "Poule de luxe" de Isabelle Milkoff, tout en préférant l'écriture plus construite d'Emmanuelle Cornet dans ses "Procédés de reconstruction". En lisant ce numéro, on se rend compte avec grand plaisir que
la nouvelle va bien et que beaucoup de jeunes auteurs s'en emparent pour
nous proposer une littérature à l'image de leur vie, celle
d'une génération qui a encore envie d'écrire et de
faire partager. Avec rue Saint Ambroise on est bien loin d'une littérature
de circonstance, concoctée par les services marketing de certaines
maisons d'éditions. Une revue à suivre et surtout à
lire. Hommage à Nelly Borgeaud disparu le 14 juillet
2004. C'est
Benoît
Virot vient de de lancer avec deux amis le premier numéro d'une
revue, Attila, vouée à la défense et à l'exploration
des auteurs maudits, "mineurs", oubliés ou mésestimés...
Bove, Guérin, Gadenne, Mac Orlan, Isidore Isou sont au sommaire
de ce n°0 (tiré à 1000 exemplaires et diffusé
en librairies et à la criée, pour l'instant sur Paris essentiellement). Pour
s'abonner à Attila (1 an, 4 numéros, 10 euros) Le Nouvel
Attila Mauvaise nouvelle : la revue "Les Episodes" fondée en 1997 cesse ses activités. Bonne
nouvelle : "La Nouvelle Revue Française" publiera en
octobre 2004
Parution
de l'avant-dernier chapitre de la Mer de la tranquillité
Modzik mars/avril 2004
Le matricule des anges, N° 50. Février 2004.
La revue rue saint Ambroise fête son numéro
13 le jeudi 29 janvier aux Triolets
La revue Europe
consacre son numéro (895-896)
Technikart N° 73 (juin 2003) Le matricule des anges N° 44 (15 mai-15 juillet 2003) Technikart N° 73 (juin 2003) Lire Bove
La Quinzaine littéraire du 16 au 31 décembre 2002 La semaine de Daniel
Rondeau dans Libération Les Inrockuptibles Nouvel Observateur
N° 1987
Le Matricule des Anges (septembre-octobre 2002)
Article Zurban du mercredi 3 au mardi 9 avril 2002
Les cahiers Livres de Libération / 24 mai 2001
DECEMBRE 2000 PARUTIONS EN LIVRES DE POCHE L'amour de Pierre Neuhart Le Pressentiment
Meublé sommairement (Aftalion Alexandre) Les Carnets Bagouet
COMPTE RENDU D'UNE COMMEMORATION
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